Chapitre 12

1.8K 146 4
                                    

PDV Lyra

« Chacun de nous n'est donc qu'une moitié d'homme, moitié qui a été séparée de son tout, de la même manière que l'on sépare une sole. Ces moitiés cherchent toujours leurs moitiés. »

« Voilà comment l'amour est si naturel à l'homme ; l'amour nous ramène à notre nature primitive et, de deux êtres n'en faisant qu'un, rétablit en quelque sorte la nature humaine dans son ancienne perfection. »

Ce que je suis entrain de lire me fatigue, et me paraît stupide. Rien ne me semble logique, pourtant, je continue à lire, dépitée par chaque ligne que je découvre. La théorie, bien que très connue de Platon, j'en étais jusqu'à lors ignorante. Et je crois que j'aurai préféré le rester. Car si son récit ferait une bonne œuvre de fiction, je ne vois pas comment l'ancrer dans la réalité. Une jolie histoire en somme, que je trouve sans fondement aucun.

Selon Platon, il existait à l'origine trois genres. Le mâle, la femelle, et l'androgyne, un mélange des deux. Des êtres parfaits, complets, circulaires, avec 4 jambes, 4 bras, et 2 visages. Mais cette puissance, cette plénitude a poussé les hommes d'antan a un excès d'orgueil, et ils tentèrent d'attaquer les Dieux. En représailles, et plutôt que d'anéantir la race humaine, les Dieux anciens décidèrent de les couper en deux, formant l'homme et la femme tel qu'ils sont aujourd'hui. Mais une telle action laissa les Hommes dépossédés d'une partie d'eux, de leurs âmes-sœurs. Ils se retrouvèrent alors incomplets, cherchant en vain leur moitié, appelé par l'amour. Les hommes cherchant les hommes, les femmes cherchant les femmes, donc l'homosexualité. Et les androgynes, formés à l'origine d'un homme et d'une femme, cherchèrent leurs moitiés chez le sexe opposé. Les hétérosexuels.

La vie des Hommes se résumerait donc à chercher cette moitié perdue, au risque de demeurer incomplet toute sa vie.

Je me sens incomplète. Mais parce que je cherche ma moitié. Parce que j'ai perdue une partie de moi. Une vraie partie de moi.

Alors l'histoire que nous explique Platon, elle est jolie et sympathique. Mais je n'y crois pas. J'ai passé près d'une heure à lire ce livre, pour ne rien trouver de pertinent à mon sens. C'est agaçant, car j'ai l'impression de ne pas avancer, et de lire une somme conséquente d'inepties.

C'est bien jolie, cette idée d'hommes découpés. Mais quelques siècles plus tard, quand les hommes se sont mis à croire en un Dieu unique, elle est tombée à l'eau. Si les Dieux tels que Zeus n'ont pas existé, la théorie n'a plus rien que l'on peut conserver. Et maintenant, dans une ère où la liberté de croire ou non est primordiale, et où ces Anciens Dieux, font seulement partie pour les hommes de ce qu'on appelle Mythologie, elle devient totalement inconcevable.

Pour moi en tout cas.


Et puis, hors le fait que rien de ce que je lis me passionne, je ne peux m'empêcher de me sentir déstabilisée par sa présence dans la même pièce. Pourtant, il ne fait rien de particulier. Je tourne ma tête vers lui, j'espère discrètement, et profite qu'il soit un minimum concentré par sa lecture pour l'observer.

Appuyé nonchalamment contre le dossier de sa chaise, les poids croisés, il tient d'une main un livre regroupant les définitions de l'amour de plusieurs grands philosophes. Ses yeux sont fixés sur les pages du livre, et je vois ses pupilles en suivre les lignes. Pour autant, il semble à peine concentré, et absolument pas passionné.

Il a retiré son blouson de cuir, restant en t-shirt, et alors qu'il tourne une page, je peux apercevoir l'encre noire qui court le long de son avant-bras.

« A little bit of madness for a better world »

Je me demande ce que peut bien signifier cette phrase pour lui, mais jamais je n'oserais demander. Je me contente de le regarder, ses boucles tombant parfois sur son visage alors qu'il lit. Il secoue la tête de temps en temps pour les chasser, mais elles finissent toujours par revenir. Je ne sais pas pourquoi, mais ce petit geste m'obnubile.

Amour Sourd - Aime-Moi Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant