Chapitre 95

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PDV Lyra

J'ai la sensation de couler. Pas de me noyer, non. Seulement d'être sous l'eau. Plus rien ne me parvient, je me sens inexorablement entraînée vers le fond. Toujours plus profondément, comme si jamais cela n'allait s'arrêter. L'eau me compresse, le corps autant que le cœur. Je ne peux plus respirer, je suis en train de suffoquer. Pourtant, je ne me m'agite pas.

Je n'essaye pas de remonter, je n'en ai pas la force. Et malgré le poids contre moi, je me sens vide, juste là, au creux de moi. Un vide si intense que ma seule volonté est de combler. Enfin, suis-je capable de faire preuve de volonté, pour l'instant ? Non, sûrement pas. Je ne suis capable de rien, à vrai dire. Je ne veux rien, je ne désire rien. Je ne peux pas dire que je ne ressens rien. C'est peut-être la seule chose qui passe au travers de cette masse qui m'entoure. Rien d'agréable. C'est encore plus douloureux que la noyade.

Les fonds vers lesquels je me dirige sont sombres. Tout manque de couleur, de vie. Le silence, je le connais déjà. Mais il paraît insupportable, quand je ne vois plus non plus. Je deviens aveugle, muette, je m'enferme dans ma douleur.

Dans ma colère, aussi.

Je me détruis de l'intérieur. Je laisse les eaux me comprimer la poitrine, en sachant très bien qu'en réalité, c'est ma propre main, qui serre mon cœur.

Je ne saurai décrire mon mal. Parfois, c'est comme si on me saignait de l'intérieur. D'autres fois, on me coupe le souffle, la fois suivante, on me brûle vivante. Et puis la pire, on aspire ma vie, on ne me laisse que la solitude, celle que j'aimais tant, celle que je ne suis plus capable d'accepter.

J'ai toujours été seule. Presque toujours. J'ai adoré ça. J'ai vécu à travers elle. Et puis j'ai appris à être entourée. A être aimée. A aimer. Maintenant, je ne peux la supporter. Elle martèle mon cœur, torture mon esprit, brise mon âme. Je n'exagère pas. Je la sens se détacher en petit morceau en moi.

Je n'ai jamais saisi la douleur présentée dans les films, dans les livres, pendant une rupture. Aujourd'hui, j'ai plutôt l'impression qu'ils la minimisent.

La main entourée autour de ma cheville, qui me tire vers l'obscurité de ces eaux profondes, c'est la mienne. Je n'arrive pas à regarder en bas. Ni en haut. Mon regard est planté dans le vide, et parfois mes yeux se ferment, pour afficher quelques souvenirs. Quelques cauchemars.

Ses mots se répètent en moi « Alors on a rien à faire ensemble ». Ils tournent comme une affreuse comptine, un disque rayé qui étiole mon cœur. Mais ceux qui me font le plus de mal, ce sont les miens. Ceux que j'ai osés prononcer, ceux que j'ai instantanément regrettés.

Pourtant, je ne me suis pas reprise. J'ai simplement quitté l'appartement. Je suis revenue chez moi, j'ai ignoré mes parents, et je me suis enfermée dans ma chambre.

Je lui en veux. D'avoir prononcé ces mots. D'avoir défendu mes parents. D'avoir réagit de cette façon.

Je m'en veux. D'avoir prononcé ces mots. D'avoir accusé mes parents. D'avoir réagit de cette façon.

J'aurai dû entendre ses raisons. Comprendre ses arguments. Saisir ses paroles. Je n'ai rien fait de tout cela. Je suis restée bloquée dans ma colère, et je l'ai reportée sur lui.

Reprendre la musique. Combien de fois a-t-il essayé de m'en parler ? Je suis presque certaine qu'il a également missionné Talia pour qu'elle me soumette l'idée. Mais c'est une hypothèse trop douloureuse. J'espérais tant au fond de moi qu'il ne la présente pas de nouveau. Qu'il ait compris que je ne souhaitais pas m'intégrer à nouveau dans ce monde qu'on a m'a violemment forcé à quitter. C'est plus fort que moi.

Amour Sourd - Aime-Moi Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant