Amour Sourd - Aime-Moi Tome 1

Chapitre 97

PDV Lyra

Si l'on m'avait dit que le temps pouvait passer à la fois si vite et si lentement...

J'ai l'impression que mes journées ont filé à toute vitesse, quand les minutes semblent avoir durées des heures. C'est totalement incompatible, et incohérent, et pourtant, c'est ce que je ressens.

J'ai passé chaque journée à longuement penser à ma peine. A mes erreurs, aux siennes. Encore et encore. Elles se sont ressemblées, au détail près que j'ai dû m'occuper de ce foutu exposé. Un motif de plus de penser à lui, et à ce qu'il s'est passé.

Et malgré ce temps qui a filé, la scène est vive dans mon esprit, autant que si elle avait eu lieu la veille. Je me souviens de ses mots, des miens, des émotions qui m'ont assaillies, avant, pendant et après cette dispute presque surréaliste.

Je me fais toujours les mêmes reproches. J'utilise toujours les mêmes excuses à mon comportement. Je garde fermement mes œillères en place. Presque en place.

Et tandis que je me tiens là, dans cette salle de classe, elles menacent de glisser complètement et de m'obliger à assumer. C'est une épreuve que je ne suis pas certaine de parvenir à affronter.

Le regard du professeur passe sur moi, et sur la porte, de laquelle rien ne semble provenir. Va-t-il ne serait-ce que venir ? A quoi bon, après tout. Nous ne pouvons pas mentir : nous n'avons pas travaillé ensemble. J'ai fini seule ce maudit travail, et nous ne risquerons pas de donner le change. Personne n'y croirait, nous les premiers.

Pourtant, il entre. Mes yeux se retrouvent happés par lui, et une pointe de douleur vient s'enfoncer dans mon cœur. Je ne l'ai pas vu depuis tant de jours. Mais ce que je ressens semble toujours aussi puissant. Je n'arrive pas à définir dans quel état il se trouve lui-même. J'ai déjà du mal avec le mien. Mes mains tremblent sur cette feuille qui contient mon texte, et lorsqu'il s'assoit à une table, au lieu de me rejoindre, je me demande si cela vaut ne serait-ce que le coup de le lire.

Les règles étaient claires. Nous aurons 0. Alors pourquoi être là ? Nous devrions partir, et nous éviter cette peine. Je devrais m'éviter cette peine.

Sauf que j'en ai besoin. J'ai besoin de prononcer ce que j'ai pu coucher sur le papier. Pas pour la note. Pour moi-même. Et j'ai besoin qu'il l'entende, peut-être même qu'il le comprenne.

Alors je ferme la porte. J'ignore le regard perplexe et interrogateur que nous lance successivement Mr Tanvoy. Je souffle un bon coup, comme si cette action allait me donner une sorte de courage.

La vérité est que je ne suis pas courageuse. Si je l'étais, je n'aurais pas passé des jours terrés dans ma chambre. Je serais allée le voir. J'aurais tenté d'arranger les choses. Mais peut-on réparer ce qui est brisé ? Parfois, il est simplement impossible de recoller les morceaux, quand bien même ils sont coupant sur notre peau.

Je m'éclaircis la voix. Et je me lance. Je ne sais pas à quoi elle ressemble. Quoi qu'au fond, je l'imagine très bien. Elle est teintée de mes sentiments, ceux que je ne parviens plus à réprimer. Ils débordent, depuis des jours, et son regard qui se pose sur moi à peine le dernier mot prononcé ne fait que les renforcer. Mes jambes tremblent, sous le poids de ses iris que j'ai tant imaginé sans pouvoir les admirer depuis que je m'en suis privée.

— Qu'est-ce que l'amour ? Il y a tant de définitions à ce mot, à ce sentiment. Une pour chaque personne, pour chaque relation. Ma mère m'a dit un jour que c'était laisser à l'autre la possibilité de nous faire toucher les étoiles, comme de nous faire lourdement chuter au sol. Avoir suffisamment confiance en l'être aimé pour être certain qu'il ne nous ferait pas tomber. J'ai trouvé cela risqué. Elle m'a répondu simplement que le cœur savait passer au dessus de la peur pour vivre tant de belles choses. Ma sœur disait qu'on ne pouvait le comprendre sans le vivre, un sentiment illogique, exempt de rationalité. Que c'était une forme de bonheur, que d'aimer, et être aimé. Qu'on ne pouvait pas décrire ce que l'on ressentait. Je ne saisissais pas ce qu'elle voulait dire. Maintenant, je crois que oui. Je suis sûre que oui.