Chapitre 99

960 70 6
                                    

 PDV Lyra

Certaines personnes disent que parler libère d'un poids qu'on porte sur le cœur. Je ne me sens pas plus libre. Et la douleur qui m'enserre la poitrine est toujours aussi présente. Peut-être un peu plus même. Exprimer à voix haute ces vérités m'ont fait comprendre toute l'étendue de ce que je ressentais. Bien plus que je ne me pensais capable de ressentir. Je savais l'aimer. Je découvre qu'en réalité, c'est bien plus que de l'amour.

Est-ce qu'il y a des mots, pour cela ? Il est comme la moitié de mon monde, et je me demande ce que je représente, dans le sien. J'ai peur de la réponse, tout comme j'ai peur de ne simplement plus en faire partie. A cause de mes erreurs, à cause de mon entêtement. Ma peine me persuade que je l'ai perdu, et ce constat me fait un peu plus mal, encore. Un cercle vicieux, dont je ne parviens pas à m'échapper. Je n'essaye même pas, en réalité. C'est comme si je me punissais. Je mérite d'avoir mal, pour avoir sciemment gâché tout le bonheur que j'aurais dû m'accorder.

Qui y a-t-il de pire, que de se rendre compte de ce que l'on a perdu par sa propre bêtise ?

En réalité, je suis sûre que bien des choses sont plus horribles que cela. Mais c'est ce qui me blesse profondément, en cet instant. Les regrets me rongent, et je n'arrive même plus à imaginer ce qu'aurait pu être la situation, si je n'avais pas agi de cette façon. C'est trop difficile, de penser à ce que je ne peux pas avoir. Lui.

Mon regard perdu dans le vide, je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à ma douleur. Ai-je déjà eu aussi mal ? Je ne peux pas comparer cette blessure à celle de la perte d'Aria. Ce sont deux maux différents. Mais dans un sens... j'ai l'impression de vivre un nouveau deuil.

Perdre une personne qui représente une part de mon univers. Sauf que cette fois-ci, la faute me revient. Aucun accident. Et je devrai vivre en me souvenant de ce que j'ai laissé m'échapper. De ce bonheur que j'ai éloigné, par peur de le laisser m'emporter.

Je n'arrive pas à saisir pourquoi. Pourquoi me le suis-je refusé de cette façon ?

Peut-être qu'au fond, je le sais. Cette culpabilité dont je ne parviens pas vraiment à me défaire. Celle d'être en vie, et pas ma sœur. Celle de sourire de nouveau, de rire aux éclats. Sans elle. D'avoir des amis, qu'elle ne soit plus mon seul repère. Je m'en veux parce qu'elle est partie et que je suis restée, parce que je me demande si ce n'est pas salir sa mémoire que d'aller bien sans sa présence à mes côtés.

J'imagine ce qu'elle me répondrait, si elle m'entendait. Elle me mettrait sûrement une bonne tape derrière la tête, me traiterait d'idiote. « A quoi tu penses, petit monstre ! ». J'entends presque sa voix me le hurler. Je suppose que n'importe qui aurait envie de me crier que je ne pense pas de la bonne façon. Que je devrais vivre pour elle, pas me priver de le faire. C'est simplement difficile à mettre en œuvre, dans la réalité. Les mots ne suffisent pas toujours. Le temps doit faire son effet.

Et chaque personne a sa propre temporalité, dans ce genre d'épreuve.

La porte s'ouvre sur ma mère, ramenant une bonne dose de lumière dans la pièce que je maintiens sombre, à l'image de mes pensées. Je grogne un peu, je suppose que c'est à cela que le son qui sort de ma bouche ressemble, mais elle n'y fait pas attention. Tout du moins, elle l'ignore volontairement, avec brio.

— Talia est là. Elle veut te parler.

— Je veux être seule.

Je suis sûrement une mauvaise amie. J'ai refusé tout contact avec elle depuis des jours, me contenant de rester enfermée entre ces murs. Je ne compte plus les messages reçus, les mails même, ou les apparitions de ma mère pour me signifier qu'elle attend à la porte.

Amour Sourd - Aime-Moi Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant