Chapitre 28

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Je finis par me laver le visage abondamment avant d'enfin pouvoir récupérer une respiration régulière. Je fixe mon reflet dans le miroir et j'aperçois des yeux rougis, perdus, des cheveux qui tiennent en un chignon à peine stable.

Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive.

La dernière fois, j'avais treize ans. J'étais au collège. A cet époque, j'étais encore moins bavarde qu'aujourd'hui. Je me sentais pas bien dans ma peau, je remarquais les conversations qu'avaient les filles de ma classe lorsque je passais dans les couloirs. J'étais seule et pas très aimée. Je m'en fichais. J'avais Aless avec moi. Nous étions dans le même collège et il venait me rendre visite à chaque pause pour s'assurer que j'allais bien.

Un jour, où il n'était pas là, Bethany une fille de ma classe avait caché mon sac à dos. Je l'avais cherché partout, personne ne semblait savoir où il était. Puis je l'ai trouvé, au fond des toilettes pendant la récréation. Au début, j'ai pleuré. Beaucoup même, puis j'ai été pris d'une rage incontrôlable. Sans avoir compris comment, je me suis retrouvée en face de Bethany qui était allongé au sol. Je l'ai poussé et elle ne se relevait pas. Tout le monde me regardait, tout le monde me hurlait dessus. Les professeurs m'ont immédiatement pris à part et puis à ce moment là j'ai compris. J'ai compris que je ne serais jamais une fille normale. J'ai compris que je conserverais toujours cette étiquette de fille bizarre qui ne sais pas gérer ses émotions. Au lycée, j'allais un peu mieux. Je veux dire aucun accident comme celui-ci ne s'était produit. Jusqu'à aujourd'hui. Je ne supporte pas que l'on touche aux personnes que j'aime. A ma famille, mais j'ignorais que mon comportement pouvait être si ... imprévisible.

Je finis par m'essuyer le visage avec une serviette avant d'entendre la porte s'ouvrir puis se refermer presque immédiatement.

En levant les yeux, c'est sur Denis que je tombe et cette fois-ci, je ne ressens rien en le voyant à travers la glace. Je suppose que je me suis un peu calmée.

Je n'ai plus de force pour parler et surtout de lui parler. Je m'apprête à sortir de la pièce sans un mot mais d'une façon assez surprenante il s'appuie contre la porte et tourne la chevillette fermant ainsi la porte à clé.

Dans le silence, il retire doucement sa capuche en me fixant droit dans les yeux.
Puis tout à coup, il ouvre la bouche.

- Je m'excuse.

Sa voix résonne dans la salle de bain. Un son étrange à mes oreilles. Je ne réponds rien et tente de le pousser pour sortir de la pièce mais c'est peine perdue. Il ne bouge pas.

- Tu veux bien te pousser ? Je demande sans prendre la peine de croiser son regard à nouveau.

- Tu veux pas m'écouter ?

- T'écouter ? J'ai rien à te dire Hernandez.

- Hernandez ? On en est revenu à là encore ?

A cet instant, je n'arrive pas très bien à discerner son humeur. Une humeur en tout cas qui est bien différente de celle du salon. où il a dit que je pouvais brailler dans mon coin, qu'il s'en...fichait.
Je prend une petite inspiration avant de me décider à être ferme dans les propos qui vont suivre.

- Écoute-moi bien : C'est la dernière fois que tu approches mon frère. Je ne veux plus te voir ni près de lui, ni de moi, ni de Jessy. Réussis-je à dire d'un ton drôlement calme.

- Jessy ? Qu'est-ce que ça peut te foutre, c'est plus ta pote.

- Tu la laisses, c'est tout. Maintenant merci de dégager la porte, j'aimerais sortir.

- Non, tu vas d'abord m'écouter avant de sortir.

Il me repousse d'une facilité inouïe. C'est vrai qu'avec mes cinquante-cinq pauvres kilos je ne fais pas le poids.

Trésor d'une vie (T1 + T2)  | En pause Où les histoires vivent. Découvrez maintenant