Chapitre 8

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Je n'entend plus le professeur. Sa voix n'est que faible murmure derrière les mots blessants qui se répètent dans ma tête.

Je pensais pas qu'on aurait pu un jour se disputer aussi fort. Et puis me connaissant, j'aurai été capable de tout faire pour me rabibocher avec Jessy. En revanche, là c'est différent. Je ne peux pas fermer les yeux sur ce qui vient de se passer. Ces mots m'ont vraiment ouverts les yeux sur sa personne. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut jouer sur deux tableaux après autant d'années et de moments passés ensembles. C'est une accumulation de choses qui font que cette fois-ci, je ne lui pardonnerais pas aussi facilement. Entre l'histoire avec mon frère et cette dispute, je suis vraiment dépitée.

J'essaie tant bien que mal de copier les bribes de cours que le professeur griffonne sur le tableau noir.

Après une heure trente, le professeur nous souhaite une bonne fin de journée et s'en va.

Je me précipite donc vers la sortie. Tout ce dont j'ai envie c'est de rentrer chez moi. Je veux retrouver mon lit douillet et rêvasser pendant des heures.

- Diviya !

Je me retourne à l'entente de mon prénom et je tombe sur la fille blonde de tout à l'heure, Paloma.

- Je dois rentrer. Dis-je en essayant de l'éviter.

Je sers fort mes mains sur les lanières de mon sac à dos et me dirige vers l'arrêt de bus mais Paloma me retient et insiste pour me parler. Je fais donc l'effort de lui accorder quelques minutes.

- Elle ne pensait sincèrement pas ce qu'elle disait.

- Écoute Paloma, je ne veux plus entendre parler de Jessy. Ce qu'elle m'a dit est impardonnable et je sais très bien que ces mots étaient pensés. Ça ne sert à rien d'essayer de la défendre.

- Non tu n'y es même pas. Jessy et moi on se connaît à peine.

J'ai du mal à croire ce qu'elle vient de dire.

- Vous êtes bien plus complices qu'elle et moi.

- Tu as tort. Toi et elle vous êtes meilleurs amis depuis des années... Tu ne penses pas qu'elle serait partie depuis bien longtemps si tu ne comptais pas pour elle ?

- Paloma, j'apprécie ta démarche mais ça ne changera rien.

Elle finit par abandonner mais avant de partir, elle ajoute.

- Vient à ma soirée mercredi. Ça te changera les idées.

- Les soirées ce n'est pas mon truc et puis je ne mettrais pas les pieds où Jessy ira.

- Elle n'ira pas, je ne l'ai pas invité.

Je reste un peu surprise. Je n'ai aucunement le profil d'une fille cool. Pourquoi m'inviter plutôt que Jessy ?

- Ce sera l'occasion de te faire de vrais amis Diviya. Je ne te force à rien mais penses-y.

Paloma finit par me tendre un morceau de papier sur lequel est griffonnée son adresse, avant de s'en aller.

Il en est hors de question ! Je ne mettrais pas les pieds dans une fête étudiante. Non mais et puis quoi encore ? Ce n'est pas du tout mon milieu, je n'y connais personne et je ne bois m'aime pas.

« tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu ne couches pas et putain qu'est-ce que tu peux être chiante. »

Alors c'est comme ça qu'elle me voit depuis toutes ces années ?

- Merde !

Ce sont les mots crachés par l'individu devant moi. Sa chemise est taché de café, bon sang mais je ne pouvais pas faire attention ?

- Tu ne pouvais pas faire attention ? Demande le grand blond.

- Je suis vraiment vraiment désolée.

Ce dernier sort un clinex de sa poche pour tenter d'essuyer les dégâts mais ça ne change rien. La tâche marron est bien trop imprégnée.

- J'avais la tête ailleurs, je ne sais pas quoi dire...

Le blond me regarde avant de souffler et jeter son mouchoir dans la poubelle.

- Ça va aller pour cette fois. Finit-il par lâcher en s'éloignant.

Décidément, je ne suis vraiment pas douée. Je me dépêche d'aller rejoindre l'arrêt de bus. J'ai hâte que cette journée se termine, et ce que j'aurais voulu c'est que ce ne soit qu'un simple cauchemar.

Bon sang mais ma vie était un vrai cauchemar bien avant que je ne devienne cette étudiante américaine, à quoi est-ce que je m'attendais ?

Mon front chaud en contact de la vitre froide de l'autobus finit par me donner la migraine. Mais mon esprit s'échappe de mon corps pour quelques instants lorsque je regarde le paysage qui défile sous mes yeux.

Des souvenirs de ces quatre hommes qui m'avaient recueilli finissent par me revenir. Je pensais être sauvée, ne plus avoir à me battre pour me nourrir mais j'avais tort, qu'est-ce que j'avais tort...

Toutes les nuits, je fermais les yeux le plus fort possible, m'imaginant être avec mes frères, ma mère en train de rire et m'amuser. Ça a duré des jours, avant que je ne comprenne que la nourriture ne valait pas le coup. Finir mes soirées ainsi, était un vrai cauchemar. Tout ça m'a traumatisé...
Aujourd'hui, je me remercie intérieurement de ne pas avoir dévoilé toute cette histoire à Jessy.

Elle est au courant de bien des choses. Ma tentative de suicide, mes frères et ma mère qui m'abandonnent, mon petit chien qui est mort dans mes bras mais ça, je n'ai jamais eu le courage de lui raconter ni à elle, ni à personne. Ce secret, je l'emporterais avec moi jusqu'à ma tombe.

Leur mains froides sur mes vêtements et leurs rires effrayants tournent en boucle dans ma tête. Je finis par revenir à la réalité non sans remarquer que je viens de rater mon arrêt.

J'en rate pas une ! C'est le cas de le dire.

Je descends donc à l'arrêt suivant, avec la chance que j'ai, la pluie commence à tomber et je finis par arriver toute trempée à la maison.

- Diviya...ma chérie, qu'est-ce qui sait passé pour que tu sois aussi mouillée ? Demande Maman.

- J'ai raté mon arrêt.

Ma mère me regarde intriguée et je sais ce qu'elle s'apprête à me demander.

- Est-ce que ça va ?

Je me contente de hocher la tête et de sourire. Je ne sais pas qui je risque de convaincre en arborant cette tête toute crispée.

- Je te prépare un chocolat chaud ?

- Non ça va aller, je vais prendre ma douche.

Je m'apprête à monter mais ma mère à remarqué ma tête. Elle doit être bien plus pathétique que ce que je m'imaginais au vue de sa réaction.

- Diviya, tu peux tout me dire tu sais ?

Je me mords la joue intérieure pour éviter de lâcher les larmes que j'ai contenus toute cette fin de journée.

Je me contente d'acquiescer pour rapidement monter dans ma chambre.
A peine la porte refermée derrière moi que mes larmes cèdent.

J'ai perdu ma meilleure amie, je me retrouve dans une fac immense sans personne, mon frère ne veut plus rentrer à la maison et je suis contrainte de leur mentir.

Je ne suis même plus sûr de vouloir garder tout ça pour moi. Jessy et Denis ne méritent pas que je les couvre. Ces deux là ne sont pas mieux l'un que l'autre et ce sont décidément bien trouvés.

Je décide d'aller prendre une douche en ignorant mon téléphone qui vibre sur mon lit.

hffmbx.

Trésor d'une vie (T1 + T2)  | En pause Où les histoires vivent. Découvrez maintenant