que la lumière soit |72|

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ETHAN

Quelques projecteurs envoient des faisceaux rouges et bleus sur les visages rieurs.

Une effervescence singulière secoue les murs de l'école. On ne s'entend pas parler entre les bavardages et les enceintes qui diffusent les voix criardes de Zilia et Lisa sur scène.

Je donne un coup de coude à Acacio et pointe un élève du doigt. Le blond tapote ses doigts sur sa cuisse.

—Je dirai Toutankhamon, me glisse-t-il à l'oreille.

L'élève concerné se pavane dans son déguisement pharaonique, accompagné de sa petite amie qui recoiffe sa perruque sombre. Je couvre ma bouche et m'approche de lui.

—Tu penses qu'on devrait leur dire qu'un millénaire entier sépare Toutankhamon et Cléopâtre ?

—Si on se mettait à remettre en question la fidélité de chacun des déguisements, je pense qu'on finirait bien vite tous les deux bannis de la fête.

Acacio prend une profonde inspiration et clappe des mains.

—Ça me rappelle quelque chose. Pas toi ? lance-t-il.

A une soirée de la fac, Acacio s'était lancé dans un débat avec un autre étudiant éméché. Je me suis mis de son côté et au final, nous nous sommes fait expulser. ''Trop rabat-joie'', apparemment.

Ce soir, tout le monde n'a pas opté pour un déguisement de personne célèbre. Le directeur passe gaiement entre les groupes, habillé d'un cercle saupoudré de petits rectangles multicolores.

—Devine qui est le directeur.

Il cherche du regard et j'insiste sur l'homme rond.

—Non ? L'homme déguisé en donut ?

—Lui-même.

Une légère pression sur mon épaule, à peine perceptible, me fait tourner la tête. Un rire familier s'éloigne, rehaussé de tintements. Je m'excuse auprès d'Acacio et me lance à la poursuite de la silhouette ombrageuse parmi la foule.

Elle disparait au détour d'un couloir. J'ai tout juste le temps d'apercevoir un tissu pourpre orné de dorures. Il ne faut pas être Einstein pour deviner quelle figure elle a choisi d'incarner.

—Esmeralda !

Elle s'arrête net, à deux doigts de s'aplatir au sol.

—Je m'arrête parce que je veux pas faire courir un sénile et causer sa mort, fait-elle essoufflée.

Le fin voile qui couvre son corps s'enroule autour de sa longue jupe jusqu'à son épaule et drape son ventre nu. Le tatouage qui souligne sa poitrine est encore visible et mes doigts me démangent, avides de suivre les courbes de l'encre noire.

Atona tournoie autour de moi et j'intercepte les bijoux qu'elle porte autour de ses chevilles. C'est Esmeralda Fox revenue à la vie. Sa longue chevelure est plus ondulée que d'habitude et ses paupières rimées de khol.

—On dirait que tu as vu un fantôme, minaude-t-elle en effleurant ma chevalière.

Appuyée sur mon épaule, elle passe une main dans mes cheveux. Peut-être bien qu'elle a raison. Peut-être que la mort m'a déjà emporté et que je suis au paradis. Quelle autre explication pour cette apparition divine ?

—Alvar, je présume ? juge-t-elle en observant mes vêtements orientaux.

J'embrasse son front, le cœur battant à mes tempes. L'appel de ses lèvres est encore plus fort mais à peine me suis-je penché qu'une voix féminine brise le rêve.

InceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant