r e n c o n t r e |81|

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—Vous y êtes presque ! Poussez !

—Crie encore une fois et je jure que je t'en colle une !

Des sueurs froides me perlent dans les yeux et je dois secouer la tête pour y voir plus clair. Ethan tamponne mon front avec quelque chose d'humide pendant que je lui tire les cheveux.

Tout devient flou. Ça fait une éternité que j'essaie de l'expulser. J'ai plus de force.

—Arrachez-le de mon ventre !

—Pousse encore, on voit sa tête ! m'encourage Ariane.

—Putain, je me sens partir. C'est normal que ça fasse aussi mal ?

Ariane m'assure que oui mais le regard alerte de la stagiaire me met la puce à l'oreille. La sage-femme la fait sortir. Quelque chose cloche.

Je me laisse tomber sur le coussin, à bout de forces.

—Refaites la péridurale, pitié.

Ariane quitte son poste et vient me caresser le front.

—Atona, la péridurale n'a pas marché la première fois. Ça ne marchera pas. Ecoute-moi. Ton bébé doit sortir maintenant. A ce rythme, ta vie et la sienne sont en danger. N'oublie pas ce qu'on a répété ensemble. Inspirer deux fois un bon coup puis pousser !

C'est bien ma veine que l'anesthésiant ait pas fonctionné sur moi. Je dois souffrir jusqu'au bout. Bien sûr que j'allais pas avoir de répit.

—Je vais pas pousser. Laisse-moi mourir.

La contraction qui suit mes propos est si violente que mes poumons s'atrophient. Je mettrai ma tête à couper que quelque chose s'est déchiré dans mon ventre. Quelque chose d'irréparable. Mes bras gigotent et j'attrape quelque chose de doux. Mon réflexe est de tirer.

Une main large – douce et ferme à la fois – agrippe la mienne.

—Encore une fois, isigim. Tu y es presque, c'est bientôt fini. Vu comme tu me tires les cheveux, on sera chauves tous les deux d'ici-là.

J'attrape son oreille et tire dessus.

—Ethan, je suis fatiguée. Aide-moi sinon je t'arrache ça aussi.

Ses yeux s'embuent. Il peut rien faire à part me regarder me vider de mon sang.

—Je ne peux pas le faire à ta place, Atona. Il va falloir que tu pousses. Je suis là. Tire mes cheveux mais n'arrête pas de pousser. Si tu meurs comme ça, tu ne penses pas que ce serait laisser Aguir gagner ?

Des frissons me brulent. Laisser cette part d'Aguir me consumer à petit feu jusqu'à finir par m'éteindre. Ce serait le laisser gagner, oui. Je palpe la main chaude d'Ethan. Pourquoi il a dit ça ?

Une nouvelle contraction. Ariane n'est plus douce du tout. Ses traits sont sévèrement tirés.

—Le bébé ne respire plus. Pousse. Maintenant.

Ethan abrite ma main tremblante entre les siennes. Son regard est déterminé. J'ai attendu des mois pour cette délivrance. Pour m'en débarrasser. Mi-assise, je plante mes ongles dans la main d'Ethan et y puise toute mon énergie pour pousser une dernière fois. Le hurlement qui s'échappe de moi me terrifie. Entre désespoir et souffrance, enraciné dans un sentiment d'injustice.

Je peux le sentir. Le corps qui sort du mien. Je sens la sensation visqueuse, le corps chaud qui me libère enfin. Mon devoir est fini. Je m'affale dans les bras d'Ethan. Là, si près de lui, je sens les battements de son cœur faire rage dans son torse. Il embrasse mon front avec douceur et m'allonge.

InceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant