Elle ?
Elle se fiche de tout. Elle ne veut dépendre de personne. Elle récolte autant de regards curieux que de conquêtes. Son but est d'oublier, d'enterrer son passé tortueux le plus profondément possible.
Lui ?
"Lui" ne pense qu'à elle. Il dépend...
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Un putain de karaoké.
Lid organise une soirée au karaoké et toute la classe est invitée. D'abord, j'ai pensé ne pas y aller parce que je ne voulais pas me mêler aux autres élèves de la classe.
Ça ne me dérangeait pas avant. J'allais fréquemment en boite et les collés-serrés étaient mon quotidien. Mais maintenant, un trop grand nombre de personnes dans une petite pièce m'oppresse. Cependant, j'y ai réfléchi. Je ne pourrai pas fuir éternellement. Pour guérir, il faut agir. Je dois me confronter à ce que je fuis.
C'est pourquoi je suis entrain de mettre ma veste en cuir d'un air déterminé. Il est six heures du soir. Mon père s'est longtemps opposé à ce que j'y aille. Depuis ça, il est encore plus surprotecteur qu'avant. J'ai dû longtemps argumenter pour le convaincre. Par exemple, je lui ai vanté les avantages du karaoké; une remise à niveau sociale, voir de nouvelles choses, oublier ça pour un moment, et il a commencé à céder.
J'attends que papa monte dans la voiture et ouvre toutes les fenêtres avant d'y monter à mon tour.
-Comment tu te sens ? demande-t-il en scrutant mon visage de ses yeux bleus.
-Bien, tu peux rouler.
C'est faux. Une main invisible serre mon cou. Mais je ne lui dis rien au risque de devoir faire demi-tour. Quand papa démarre, je m'accroche à la portière et sors presque mon visage par la fenêtre. Il commence à faire noir et quelques lumières dans les maisons qui passent dans le paysage sont allumées.
-Pas d'alcool, pas de garçon, pas de bêtises en somme. Tu ne sors pas toute seule, garde ton téléphone près de toi. Au moindre geste déplacé ou suspect de la part de n'importe qui, tu m'appelles. Est-ce clair ? demande-t-il sur un ton autoritaire.
Son inquiétude me fait légèrement sourire et je soupire.
-J'ai vingt ans pa...
-Dix-neuf ans, Atona. Dix-neuf. Et peu importe ton âge, pour moi tu seras toujours ma petite fille.
Il me couvre de son regard bienveillant. Quand je suis retournée à la maison après m'être échappée, j'ai été choquée de le revoir. Il semblait avoir pris vingt ans de plus; rides, traits tirés, barbe garnie, yeux gonflés et vêtements froissés. Je me suis sentie encore plus mal.
Qu'est-ce que je lui amène de positif, moi ? J'ai disparu et il s'est fait un sang d'encre, perdant jusqu'à dix kilos. Je rate ma vie scolaire et je ne suis pas capable de me protéger moi-même. Il pense que ce qui m'est arrivé est de sa faute parce que s'il avait été à la maison, il aurait pu me défendre. Ce n'est pas faux mais il n'aurait pas pu savoir.
