a d o n i s |68|

1.2K 122 237
                                    

PDV ETHAN

A ton âge, j'avais déjà ton père.

Ma grand-mère appuie sur le bouton de l'ascenseur, l'air ronchon.

Tu avais 9 enfants à mon âge, fais-je en me retenant de rire.

Elle pince ma cuisse et se met à râler à parler à voix basse. Je réajuste ma sacoche sur mon épaule, trois fois plus lourde que d'habitude. Nous arrivons au rez-de-chaussée, où la concierge ferme sa loge avec entrain.

—Bonjour, Petra.

Elle sursaute, drapée d'or.

—Bonjour, Ethan ! fait-elle en enfilant une chaussure à la va-vite. Tu vas à Chams avec tout ça ? s'enquiert-elle avec un regard pour tout mon matériel.

—J'ai du travail, dis-je simplement.

—Oh, la poisse.

Un klaxon au dehors la fait sursauter et elle fixe son bandeau d'halo d'étoiles sur sa tête.

—Faut que j'y aille. A plus !

Elle disparait en coup de vent et alors qu'elle n'ouvre la porte qu'une brève seconde, le raffut qu'il y a au dehors fait s'exploser le calme intérieur.

On y va ? fais-je à ma grand-mère.

Avec ses petits pas de fourmi, elle m'ignore. Je la rattrape tant bien que mal avec le sac à dos et les rouleaux que je dois emporter.

Tu oublies que tu as déjà deux petits enfants et bientôt trois autres de plus. Astra est sur le point d'accoucher.

Elle s'arrête pour me faire face, ses yeux à peine à niveau de mes coudes.

Je veux voir grandir les petits-enfants d'Evren, m'adresse-t-elle plus bas.

Elle tend une main tâchée par l'âge vers moi et je pose un genou au sol. Doucement, elle caresse mes cheveux qui, malgré mon acharnement, continuent de rebiquer.

Je sens l'âge fragiliser mes os et mon cœur se fatiguer de battre dans ma poitrine. Il ne me reste pas très longtemps, Ethan.

Je laisse tomber les rouleaux et amène son petit corps frêle contre moi.

Tu vivras assez longtemps pour voir tes arrière-petits-enfants grandir. Tu vivras même si longtemps que tu auras une vie plus longue que la mienne.

Mes propos la choquent et elle me tape l'épaule de toutes ses forces.

Ne dis pas des choses pareilles, fait-elle les yeux gros en enchainant des prières silencieuses.

Un coup d'œil à l'horloge de la loge me rassure. Nous sommes pile dans les temps. J'ai tout fait pour que nous sortions deux heures à l'avance, parce que je sais que le chemin jusqu'à l'Emerlad sera fastidieux en ce jour spécial. Sans compter que ma grand-mère voulait absolument m'accompagner et qu'elle n'est pas exactement la plus grande marcheuse que je connaisse.

Nous sommes à peine sortis de l'immeuble qu'elle me tire vers elle pour appliquer de la crème solaire partout sur mon visage et mon cou.

Tu es le plus beau de tous mes enfants et petits-enfants réunis. Tu dois prendre mieux soin de toi, evladım(mon enfant). Regarde-toi, tu as encore maigri. Est-ce que tu manges à ta faim ? Tu fais encore du sport, c'est ça ? Arrête, je veux voir de la graisse sur ton ventre. Pourquoi tu ne veux pas revenir t'installer à la maison ? Je te ferai tous les petits plats que tu aimes. Je ne te laisserai pas partir tant que tu n'auras pas pris... 10... Non, 15 kilos au moins.

InceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant