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ETHAN

On aurait tendance à croire que les personnes travaillant dans le domaine de la psychologie seraient les plus douces, les plus compréhensives et les plus chaleureuses qu'on pourrait croiser dans un hôpital. Le psychiatre d'Atona en est l'antithèse.

—C'est simple, finit-il par annoncer. Cette jeune femme ne veut pas se réveiller.

Le langage cryptique du docteur Sato finit par venir à bout de Kris. Il lui arrache sa tablette et le psychiatre daigne enfin regarder la famille de sa patiente.

—''C'est simple.'' ? Ma fille est endormie depuis deux semaines dans ce lit, j'attends plus de clarté que ça ! Fichue blouse blanche antipathique !

J'aide Kris à s'asseoir et remplace la tablette par un verre d'eau.

—Nous faisons confiance en votre expertise. Kris et moi ne dormons plus tant l'anxiété est dévorante. Mais bien sûr, ce n'est pas moi qui vous expliquerai les effets néfastes de l'anxiété sur la santé, n'est-ce pas ? Docteur Sato, ce sont des réponses que nous voulons, pas encore plus de points d'interrogations.

Je tends la tablette au docteur Sato et alors qu'il étend ses doigts pour la récupérer, je l'éloigne. Il pousse les cadrans rectangulaires de ses lunettes sur son front.

—Je vous présente mes excuses si je vous ai semblé froid.

Aucune émotion ne transparait. Pas un rictus, rien. Il n'a pas l'air de penser ce qu'il dit. La tablette finit par se retrouver dans les mains de son propriétaire.

—Physiquement, il n'y a pas de raison pour que mademoiselle Fox ne se réveille pas. Tout est dans la tête. Elle se soustrait à la réalité du trauma en l'évitant. Mais c'est inévitable. Il faudra être particulièrement méticuleux quand elle ouvrira les yeux. Ne lui posez pas de questions, soyez simplement présents pour elle. Soutenez-la.

Kris se balance doucement d'avant en arrière, le regard fixé sur Atona. Celle-ci, poupée de cire, git sur son lit blanc. Elle a l'air si paisible qu'on la croirait à deux doigts de se réveiller pour aller perturber le silence de la cantine en chantant à tue-tête avant d'aller danser pieds nus dans les jardins qui bordent le domaine.

Le psychiatre s'excuse encore placidement et s'en va. L'infirmière s'excuse rapidement.

—Le docteur Sato peut paraitre froid mais ce n'est pas de la méchanceté.

Elle regarde par-dessus son épaule, une étincelle dans le regard.

—Il présente de l'autisme, chuchote-t-elle.

Si quelqu'un doit colporter les ragots dans cet hôpital, je ne doute pas qu'elle soit le principal vecteur.

—Quel est le rapport ? s'emporte Kris.

—Les personnes présentant de l'autisme ont du mal à se mettre à la place des autres et à montrer des émotions. Pas toutes, mais c'est le cas du doct-

—Un psy qui a du mal avec les émotions, c'est la meilleure ! Fallait pas devenir psychiatre alors !

Je ne suis pas d'accord avec lui. Peut-être que le seul moyen que le docteur Sato avait de comprendre les émotions - à défaut de pouvoir les ressentir - était de les étudier.

Épuisé, je retourne à la place que j'occupe depuis des lustres, à savoir le chevet d'Atona. De temps à autre, une montée de panique me tord le ventre à l'idée d'avoir oublié de donner à manger à Beast. Puis je me rappelle. Alors l'angoisse fait place au deuil. Le deuil fait place à une agitation âpre, une bourrasque d'ébullition.

InceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant