Inception

t o u r n e s o l |69|

Quand j'arrive face aux grilles gigantesques de l'Emerald, je suis pliée en deux pour retrouver mon souffle. Et dire que j'étais à deux doigts d'arriver à l'heure quelque part pour une fois dans ma vie. Mais non, mon père m'a barré le passage et n'a pas voulu me laisser sortir avant de lui avoir pardonné de m'avoir caché la situation d'Ethan.

Le fourbe, il savait que j'étais prête à tout pour qu'il me laisse partir. Finalement, j'ai cédé. Au fond, il ne pensait pas à mal et Ethan allait plus ou moins bien. En plus, c'est la fête d'Icare et on ne se prend pas la tête un jour pareil.

Et je voulais surtout arriver à l'heure.

Je traverse le jardin et lance une pièce dans la fontaine au passage. Qui sait, ça me débarrassera peut-être comme par magie du sceau de la mort qui colle mon gros cul.

Dès que je pénètre dans le hall gigantesque, je suis frappée par la sculpture du fond. Je l'ai déjà vue en sortie scolaire, mais elle fait toujours son petit effet.

—Je peux vous aider ? me hèle l'agent à l'accueil.

—C'est pour la conférence d'Ethan Feather, dis-je impatiemment.

—Pourrais-je avoir votre nom, s'il vous plait ?

—Atona Fox.

L'agent se met à taper sur son clavier et reprend :

—Est-ce que vous avez bien réservé votre place sur notre site ?

Il fallait réserver ?

—Oui, vérifiez bien. Le temps presse.

—Je suis navré, il n'y a pas de réservation à votre nom.

—Rattrapez votre erreur et faites-moi vite entrer.

—Je suis désolé, mais je n'ai pas le droit de faire ça. Vous pourriez peut-être-

J'aplatis violemment mes mains sur le comptoir.

—Vous n'avez pas honte de barrer le chemin à une honnête citoyenne qui veut s'abreuver de connaissances ? Particulièrement en ce jour de fête ?

—Madame...

—Vous savez qui je suis ? Atona Fox. Le sang de cette femme coule dans mes veines, articulé-je en montrant la statue. Sans elle, cet endroit n'existerait même pas et vous ne seriez certainement pas derrière ce comptoir.

L'homme remue sur son siège et saisit un téléphone.

—Laissez-moi appeler le manager.

Je lui pique le cellulaire des mains. D'un regard, j'intercepte son nom affiché sur son torse.

—Très bien, Ryle. Vous voulez vraiment appeler votre manager pour lui montrer à quel point vous êtes incapable ? Eh bien appelons-le ensemble, bonne idée ! J'aurai deux ou trois mots à lui dire. Et croyez-moi que je ne vais pas économiser mes mots, Ryle. Quel est le numéro, hein ? J'attends.

L'homme semble se mordre l'intérieur de la joue, en proie à un conflit intérieur.

—Le numéro de votre ma-na-ger, insisté-je. Alors ?

Il souffle, l'air frustré et se remet à taper quelque chose sur son clavier. En quelques mouvements, il me tend un badge.

—La conférence se trouve au premier étage dans la salle DK-06.

Je pose le téléphone en douceur et souris à Ryle.

—Voilà qui est mieux. Merci quand même et bonne fête d'Icare !