Sise dans une large avenue arborée, à l'abri d'un mur d'enceinte couvert de lierre éclatant, le Repos des Braves déployait sa façade aux croisillons peints à l'ombre d'un hêtre centenaire. Considéré comme l'une des meilleures auberges de Juvélys, l'établissement attirait les voyageurs fortunés, quelle que soit leur origine, et se targuait de proposer des chambres au confort inégalé, une cuisine gastronomique d'une finesse incomparable, et, denrée rare dans la capitale, un relatif silence.
Brendan ne s'en souciait pas le moins du monde lorsqu'il fit irruption, en plein petit déjeuner, dans la vaste salle à manger. Il balaya rapidement les tables du regard puis se porta à la rencontre de l'employé qui avait eu la même idée.
« Où sont les Himéites ? » demanda le Mivéan de but en blanc.
Le serveur, un homme dans la cinquantaine, tiré à quatre épingles dans une livrée couleur rouille, s'empourpra sous la virulence de la question.
« Je ne vois–
— Épargnez-moi vos dérobades. Je sais qu'ils sont ici. Cinq chevaliers. Je dois leur parler. »
Brendan était conscient de s'exprimer beaucoup plus fort qu'il n'était d'ordinaire admissible dans pareil cadre, mais c'était justement ce qui ferait craquer son interlocuteur. Déjà, certaines têtes s'étaient relevées de leur gruau de luxe et tournées dans leur direction. Le murmure de conversations surprises ou indignées fleurit çà et là, parmi les oeufs brouillés et les tasses de thé fumantes. Frappant dans sa toge religieuse, le Mivéan avait été reconnu et son nom associé aux rumeurs de trois sixaines sinistres.
Le genre de scandale dont le Repos des Braves se serait bien passé.
Déjà, un autre homme avait fait son apparition, la mine crispée, dans une tenue plus sobre mais plus coûteuse. Ses yeux lançaient des éclairs de déplaisir.
« Maître Devlin, quel honneur... » siffla-t-il d'un ton mielleux où suintait sa colère.
Brendan lui retourna une mine peu convaincue.
« J'en doute », grommela-t-il.
Il était passé au Temple de Valgrian, après l'office matinal, pour avertir Othon de la disparition de Sam. Celui-ci lui avait alors révélé qu'Amray était rentré et s'était lancé sur la piste de Soren. Le Mivéan avait été choqué que son ami ait pu lui cacher pareille information. Le Flambeau s'était excusé sous couvert de la grande fatigue résultante de leurs frasques antérieures, mais Brendan n'avait pas gobé le mensonge et s'était emporté. Ces foutus Preux Épris avaient eu l'intention — la ferme volonté — de l'écarter de leurs projets, et Othon les avait fait passer avant lui.
Il avait filé sans le saluer.
« Les personnes que vous cherchez sont déjà parties. Elles reviendront certainement en fin de journée, nous pouvons les avertir que–
— Parties où ? »
Le maître d'hôtel sourit sans joie.
« Nous ne nous permettons pas d'interroger nos invités sur leurs activités. »
Le prêtre se fendit d'un juron qui résonna dans la salle comme une imprécation maudite et, la seconde suivante, un silence de mort régna dans l'auberge. Les convives reprirent cependant rapidement leur repas, comme s'ils craignaient d'être pris à partie dans cet échange tendu.
« Alors, dites-moi où sont leurs chambres. »
Cette fois, le teint de son interlocuteur se congestionna d'une teinte inquiétante.
« Il n'en est pas question », lâcha l'aubergiste avec toute la maîtrise dont il était encore capable.
Le Mivéan croisa les bras.
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasyAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...