Bras croisés, tête penchée, Brendan était légèrement irrité mais pas surpris. Il s'était préparé à être convoqué à la garde, encore et encore, suite aux événements du Parc. C'était de bonne guerre. Prévu. Le contraire aurait été surprenant. Ils avaient, après tout, enfreint la loi.
Que ce soit pour la bonne cause avait joué en leur faveur, bien sûr. Malgré le sang qu'ils avaient sur les mains, tous les prêtres qui avaient combattu les Obscurs avaient été libérés. Pour l'heure, aucune charge ne pesait contre eux. Cela changerait peut-être, une fois que l'enquête aurait progressé, mais Brendan avait foi. Même s'ils avaient convenu d'accepter les répercussions de leurs actes, le Mivéan savait que la piété des Juvéliens, leur attachement à Valgrian, protégerait les servants de la lumière du pire. Et par association, il ne risquait pas davantage.
A présent, assis dans une petite salle d'interrogatoire, il attendait qu'un officier au hasard vienne l'interroger. C'était la troisième fois en deux jours. Il connaissait son discours par coeur et n'avait rien à ajouter. Les Obscurs leur étaient tombés dessus. Ils s'étaient défendus. Ils n'avaient pas eu le choix. Brendan assumait pleinement ce qui s'était produit.
Peut-être quelqu'un finirait-il par avouer que cette cérémonie avait été un piège. Peut-être. Un maillon faible, comme Marcus. Un maillon brisé, comme Anton. Mais Brendan s'en contrefichait. Même s'il était pris en défaut, il défendrait ce qu'il avait provoqué. Il en était fier. Et si cela signifiait perdre son temps dans une petite pièce aveugle, assis sur une chaise inconfortable, face à une table usée, ainsi soit-il.
La porte finit par s'ouvrir sur une femme d'une quarantaine d'années, les cheveux châtains veinés de gris, et la bouche pincée sur une moue contrite. Ce n'était pas la première fois que Brendan la voyait, c'était un des officiers supérieurs de la garde, mais il n'avait aucune idée de son nom. Elle tira la chaise opposée et s'assit, les mains serrées sur quelques feuilles couvertes d'une écriture serrée.
« Je suis la lieutenante Ermeline Prégris, annonça-t-elle. Merci d'être venu aussi rapidement. »
Brendan acquiesça, bras croisés, le sourire apaisant. Il était désormais rôdé à l'exercice.
« Vous êtes convoqué aujourd'hui dans le cadre d'une enquête pour dispar... »
Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la porte dans son dos s'ouvrit à la volée, lui arrachant un cri de stupeur outré. Une femme elfe pénétra dans la pièce, les traits curieusement froids alors que ses yeux violacés bordés de rouge lançaient des éclairs.
« J'étais sûre que c'était vous ! lâcha-t-elle d'une voix sourde, en pointant le doigt vers le Mivéan. Où est mon fils ?
— Dame Melantheria, s'interposa la lieutenante Prégris. Vous ne pouvez pas faire irruption en salle d'interrogatoire de la sorte, la procédure...
— Je suis désolé, intervint un jeune officier dans l'embrasure de la porte. J'ai tourné la tête une seconde et... »
Mais l'elfe — l'aubergiste de l'Ombre de l'Arbre, Brendan la reconnaissait, désormais — n'avait que faire des gardes qui tentaient de la mettre dehors. Son regard furieux vrillait le prêtre jusqu'aux tréfonds de son âme et il demeura stupéfait.
« Attendez... Attendez, laissez-la... laissez-la parler ! s'exclama-t-il. Qu'est-ce qui est arrivé à Sam ? »
La lieutenante lui retourna un regard sceptique.
« À vous de me le dire ! aboya Melantheria. C'est avec vous qu'il a traîné, tous ces derniers jours, à vous faire à manger, soi-disant ! Maintenant qu'il s'est volatilisé, vous allez me dire que vous ne savez pas de quoi il retourne ? »
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasiaAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...