— Debout.
Pendant un instant, Othon songea à refuser. Il avait faim, il était de mauvais poil, et écraser son poing dans un visage, n'importe lequel, le démangeait. Mais il avait eu le temps de décanter un rien pendant ces heures passées dans le noir. Il se leva, s'avança vers la porte et sortit dans le couloir.
Il constata avec une certaine satisfaction que son escorte était composée de cinq hommes, deux mages en robe et deux soldats bardés de fer, plus un officier. Ils avaient sûrement essayé de choisir les plus grands, mais aucun ne lui arrivait au nez. Malgré leur nombre, il les aurait massacrés sans trop de difficultés, même ces sorciers à la mine hautaine. Il ne fit rien de tel.
— Suivez-nous.
Il ne bougea pas d'un pouce.
— Comment va Kyle ?
L'officier, un trentenaire à la mine revêche, manifestement très mal à l'aise, le regarda sans comprendre.
— Kyle ?
— Le Flambeau que vous avez agressé ce matin.
— Ce n'est pas exactement ce qui s'est passé-
— Non, pas du tout, effectivement. Vous n'avez pas fait irruption chez nous comme des brutes, sans motif, épées au clair, en vociférant comme des animaux.
— Messire, vous-
— Quoi ?
— Vous avez résisté aux autorités ! Il a dégainé son-
— Les autorités n'ont pas le droit de se comporter comme de vulgaires brigands !
— Ça suffit ! Nous avons un mandat du général Maelwyn ! Vous l'avez vu et vous avez décidé de ne pas vous y conformer ! Maintenant venez avec nous !
— Non. Pas avant que vous ne m'ayez dit comment allait Kyle.
Les hommes qui constituaient son escorte s'entre-regardèrent. Un des mages semblait sur le point d'esquisser un sortilège. Othon se demanda s'ils oseraient l'attaquer, ainsi désarmé, au cœur du Temple. Il n'était plus certain de rien, à la seconde présente.
Il avait bien fallu céder, le matin, sans quoi les choses auraient tourné au désastre, mais ils avaient capitulé rapidement. Peut-être trop. Ils avaient eu foi en la bienveillance intrinsèque de ceux qui les gouvernaient. Pourquoi ? Le passé ne leur donnait pas raison. Maelwyn avait investi le Temple comme s'il s'agissait d'un repaire de voleurs et ses hommes avaient arrêté prêtres et Flambeaux sans le moindre chef d'accusation.
Après une Veillée funèbre pénible, les preux de Valgrian étaient épuisés et à cran... Maelwyn avait vraiment choisi le pire moment pour porter son coup. Bien calculé, évidemment. Ou stupide. Avait-il espéré que le Temple s'embrase, pour pouvoir justifier de l'écraser une bonne fois pour toutes ?
— Il est indemne. Un des prêtres l'a soigné.
— Je veux le voir.
— Je crains que ce ne soit pas possible.
Othon dévisagea l'officier sans ciller et celui-ci changea de couleur. Tenir tête à un Flambeau n'était pas chose facile.
— Je n'ai pas le pouvoir de l'autoriser, ajouta-t-il avant de se détourner.
Othon renifla, sans bouger d'un pouce. Il avait à nouveau une envie féroce de provoquer quelque chose, un esclandre, une rixe, il n'avait pas peur.
Les Flambeaux devaient montrer l'exemple, rester maîtres d'eux-mêmes, mais cela s'était avéré chose impossible pour les hommes qui avaient connu le coup d'état, qui avaient vécu pareille intrusion, seulement quelques années plus tôt, et qui, impuissants, avaient vu exécuter la quasi totalité de leurs pairs. Kyle et Deverell étaient les deux derniers témoins de ces atrocités, les deux derniers survivants de l'ordre juvélien d'avant le sac. Il y avait eu Geoffroy, aussi, mais l'incendie d'une auberge, à Poralys, avait scellé son destin.
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasiAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...