24. Othon

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« Donne... »

Accroupi dans le sable de l'enclôs qui jouxtait l'écurie, Othon attrapa le poignet de Gilles, son écuyer, et lui posa la main sur le sabot d'Éclipse, la jument qui lui servirait un jour de destrier.

« Tu sens comme c'est chaud ?

— Oui, répondit l'adolescent à mi-voix.

— C'est un début de fourbure. Tu ne peux plus la monter. Va voir Garance et demande-lui quelque chose pour la soulager. Et va prévenir Deverell. Il te dira quoi faire ensuite.

— Messire ? »

Le Flambeau leva les yeux du pied qu'il inspectait pour dévisager le gamin qui venait de s'approcher. Le jeune Hubert lui décocha un sourire radieux.

« Il y a Maître Devlin qui veut vous voir. »

Le Fumeterreux reposa le sabot de la jument sur le sol et s'autorisa un soupir. Brendan tombait au pire moment, pour changer.

« Il est dans la rotonde. Je dois apporter à boire ?

— Non. Je vais voir ce qu'il veut. »

Le gamin acquiesça avec empressement et partit au petit trot dans la poussière. Othon flatta l'encolure d'Éclipse, tandis que Gilles s'éloignait vers l'herboristerie.

Recevoir Brendan n'était pas anodin. La veille, leur échange avait dégénéré de manière spectaculaire quand le Mivéan avait appris qu'Othon lui avait caché la visite d'Amray. Aujourd'hui, avec le poids supplémentaire de la mort possible d'Hector et de la trahison probable d'un ancien Flamboyant mort et ressuscité, Othon redoutait de croiser son regard et de lui mentir à nouveau.

Il ne voulait pas le faire. Ils avaient toujours été honnêtes l'un envers l'autre. Mais il le fallait : Brendan serait incapable de tenir sa langue et les dieux seuls savaient comment il réagirait.

Carrant les épaules, Othon traversa la cour et se dirigea vers la rotonde. C'était un espace ouvert qui servait de lavoir. Une belle fontaine de pierre trônait en son centre et le toit couvert de fresques était soutenu par huit piliers. Quatre bancs courbes permettaient aux promeneurs de s'attarder pour écouter le bruissement de l'eau et admirer les peintures du plafond, quand les lieux n'étaient pas envahis de novices affairés à leur corvée. Othon n'en profitait que très rarement car l'oisiveté ne faisait pas partie de son programme habituel.

Le Flambeau nota que son ami non plus n'était pas d'humeur contemplative. Il tournait autour de la fontaine comme un âne au moulin, d'un pas rapide, l'air agité. Il se tourna vers le grand guerrier dès que celui-ci se glissa entre deux piliers.

« Je dois te parler ! s'exclama-t-il. C'est urgent. »

Il vint droit vers lui, lui désigna un banc et Othon fronça les sourcils, bras croisés.

« C'est tout ? »

Brendan parut surpris.

« Tout ?

— Tu dois me parler ?

— Oh je suis désolé pour hier, bien sûr, mais c'est plus urgent que ça. »

Othon rit. Le Mivéan parut contrarié et s'assit lourdement.

« C'est important.

— Misère, Brendan, qu'est-ce que j'ai fait aux dieux pour te mériter ?

— Ce n'est pas la question. »

Le chevalier rejoignit son ami sur un banc, sans se départir d'un sourire dépité.

« Bon, raconte.

— Tu te souviens que tu m'as parlé d'Amray... Je l'ai retrouvé, au Repos des Braves, mais il était déjà parti et je n'ai pas pu savoir où ils étaient allés, et la garde m'a fait arrêter à cause du désordre et maintenant j'ai l'interdiction d'aller dans cette auberge, mais j'ai quand même surveillé et ils ne sont pas rentrés, Othon. Ces abrutis ont voulu y aller seuls et ils ont disparu dans la nature ! »

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant