27. Marcus

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La journée d'un intendant n'était jamais terminée. L'assistant du drapier était dans l'intendance et Blaise n'était pas encore venu lui apporter le décompte des taies d'oreiller des dortoirs, aussi Marcus se hâtait-il dans le couloir pour essayer de dégoter le responsable des novices avant qu'il ne soit trop tard. C'était déjà une heure d'intense activité dans le Temple aussi n'y avait-il presque personne dans les allées de pierre du sanctuaire, ce qui arrangeait bien Marcus : personne pour l'interpeler au sujet d'une fenêtre qui ferme mal, d'un manque de cire pour meubles ou de la qualité douteuse du dernier fromage arrivé du Delta.

Il passa devant deux salles de cours, la bibliothèque, puis remonta le couloir qui menait à la nef. Devant lui, sur la gauche, une porte se referma. C'était la salle de réunion. Il trouva la chose étrange : elle n'était utilisée que par le Flamboyant — absent, toujours — et le Conseil Restreint, dont il faisait partie. Peut-être un coup de vent. Il poursuivit sa route, traversa la nef, fit un détour pour éviter un groupe de novices, déboucha dans les jardins et jeta un coup d'œil circulaire sur les lieux. Blaise était en train d'examiner ses vignes et il dévala les marches de marbre jusqu'au chemin de gravier qui serpentait entre leurs parterres luxuriants.

Quelques minutes plus tard, armé du chiffre magique (42) que lui avait confié le maître des novices tête-en-l'air, Marcus repartit vers son intendance, se permettant un petit sprint dans les couloirs. Il s'arrêta une seconde devant la salle de réunion, piqué par la curiosité, mais le devoir prit le dessus et il rejoignit l'assistant-drapier à l'intendance pour lui communiquer les besoins du Temple. Une fois l'artisan reparti, il retourna à cette fameuse porte et posa l'oreille sur l'huis. D'abord, il n'entendit rien. Puis un éclat de voix. Il y avait quelqu'un et il entra.

Autour de la table se trouvaient Céleste, Hugo, Florent, Rachel et Gaïa, soit le Conseil au complet, moins lui. A son entrée, ils se tournèrent vers lui comme un seul homme et Marcus lut leur embarras sur leurs visages. Il y avait autre chose : des larmes dans certains yeux, la crispation de la colère ici, du désespoir là, des émotions violentes disséminées aux quatre vents. Et il n'avait pas été convié.

« Vous... » lâcha-t-il, sans trouver quoi dire.

Gaïa noya son visage entre ses mains. Hugo regarda vers Florent. Ce dernier s'apprêta à dire quelque chose mais c'est Céleste qui se leva.

« Marcus... Nous... comptions te faire appeler. »

Il secoua la tête sans rien répondre, stupéfait. Qu'est-ce qui pouvait mériter cette réunion en son absence ? Certainement pas quelque chose de positif...

« Assieds-toi, Marcus », dit finalement Céleste d'une voix morne.

Il prit le premier siège disponible, sans chercher à retrouver sa place habituelle, face à la porte. Il percevait toute la tension qui régnait dans la pièce sans parvenir à en faire sens. Il ne pouvait pas être, à lui seul, responsable de tout cet émoi.

« Marcus, nous avons été informés par les services secrets d'un élément concernant les Obscurs... Un élément difficile... » continua la vieille prêtresse.

Hugo avait le regard vide.

« Cela concerne Hector ? » demanda Marcus, presque par réflexe.

Florent frémit.

« Cela concerne Hector... et Albérich », dit Céleste.

Marcus se raidit, pris au dépourvu.

« Quoi, Albérich ? » murmura-t-il.

Rachel et Florent échangèrent un regard.

« Albérich ferait partie de leur groupe. Ils auraient réussi à le convertir. Son corps, rappelle-toi, n'a jamais été retrouvé. »

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant