La courte marche du Palais au Fort était idéale pour s'aérer l'esprit après des débats houleux. Étienne n'était que rarement invité aux réunions entre conseillers et il ne s'en portait pas plus mal. Assister à leur affrontement nocturne ne l'avait guère réconcilié avec ces palabres stériles et ce mode de gouvernement bancal.
Tant Fortebrise que Vaelith Damear avaient exigé que le blocus du Temple de Valgrian soit levé au plus vite. Si l'amiral n'avait pas osé mettre de délai, l'elfe voulait que les choses soient réglées le 18 au plus tard, soit dans quatre jours. Cassante et magnifique, elle avait incendié le général, l'accusant de se comporter en buffle dans une boutique de miroirs, incapable de mesurer la nécessité des équilibres fragiles qui se jouaient dans la cité, et l'impact que son entêtement aurait sur ses chances de réélection.
La menace était limpide et la prédiction solide. La voir manier le verbe avec un tel brio avait quelque chose de fascinant. Maelwyn était furieux, évidemment, et même s'il n'avait pas l'aisance oratoire de son adversaire, il n'était pas près à céder un pouce de terrain. Les temples avaient enfreint la loi, ce qui se passait derrière leurs façades était obscur et potentiellement dangereux, la nécessité d'un contrôle était criant après la crise qu'ils avaient traversée, les Valgrians étaient le fer de lance de cette rébellion larvée.
Vaelith arguait que le religieux ne pouvait se plier aux règles étriquées des hommes, que les dieux vénérés à Juvélys étaient bienveillants, que les citoyens de la cité tenaient à leurs croyances, que tout ça n'était qu'une querelle personnelle entre le général et les Valgrians, née d'un désaccord purement personnel.
Elle n'avait heureusement pas mentionné le jeune Arthur, le fils répudié, assassiné sur le front, Flambeau en dépit des exigences paternelles, éteint alors qu'il n'avait pas même vingt ans. Etienne avait vu la tête, dans sa caisse de bois, livrée par une poignée de survivants livides, que les Griphéliens leur avaient renvoyés. Gareth l'avait fait brûler sans même assister au brasier.
L'amiral Fortebrise n'avait plus la carrure de s'opposer fermement à Maelwyn, mais il soutenait l'idée que s'aliéner les prêtres de bonne volonté sous prétexte de punir quelques rebelles risquait d'être bien plus dangereux que le général ne l'imaginait. Etienne était d'accord avec lui mais Gareth estimait que c'étaient les prêtres inoffensifs qui se comptaient sur les doigts de la main. Et que ceux-là comprenaient les mesures que les autres lui imposaient.
Dame Damaer lui avait alors rappelé que les services secrets avaient des contacts dans tous les grands temples de la ville, à même de les renseigner sur l'apparition de remous inquiétants. S'en était suivie une tirade féroce sur l'inutilité de l'équipe de Nora Felden, qui avait dérivé sur la question des budgets alloués aux uns et aux autres, les répercussions financières de la guerre en Jasarin, les retombées toujours réelles de la dictature de Koneg, le manque de personnel, l'exode rural dont se plaignaient les cités voisines, les besoins en matériel, et le général tenta de justifier sa politique sécuritaire, avant de déclarer qu'il était seul juge en la matière et qu'il n'entendait pas payer pour des choses dépourvues d'efficacité.
Excédée, Dame Damaer avait mis fin à la réunion, en rappelant ses exigences. En réalité, Etienne le savait, elle ne pouvait pas grand-chose. Démissionner pour provoquer des élections anticipées ne résoudrait pas la crise, bien au contraire : Gareth risquait alors de s'imposer en chef de gouvernement unique, en dépit de leurs institutions. Avec l'armée dans sa poche, mais contre le peuple, il ne fallait pas être Mivéan pour deviner les répercussions.
D'autant que Flèche-Sombre se tenait tranquille pour l'heure, mais pourrait choisir le camp adverse, en cas de grabuge. Maelwyn le disait loyal, mais l'influence de l'elfe le rendait extrêmement dangereux. La garde lui obéirait et à lui seul.
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasyAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...