Debout à la fenêtre de la chambre, Kerun humait l'air frais du dehors, le visage offert au soleil. Ce n'était pas assez, bien sûr, pas suffisant pour l'apaiser, effacer l'angoisse, la fureur, et le mal infligé à son corps, à son âme, mais la lumière de Valgrian, après toutes ces ténèbres, constituait déjà un baume bienvenu.
Dans la nuit agitée, ses pas l'avaient mené dans une direction trouble, il n'avait pas vraiment réfléchi. Son instinct avait pris le dessus et l'avait guidé en sécurité, la seule sécurité possible, celle offerte par un prêtre blessé, déterminé, un adversaire de Maelwyn et des Obscurs.
Ensemble, ils pouvaient encore réussir quelque chose, il en était persuadé.
La porte s'ouvrit dans son dos.
— Désolé pour le délai.
Brendan Devlin, vêtu d'un surcot noir sur sa toge blanche, paraissait animé d'une énergie formidable. Malgré son épuisement, Kerun avait l'impression de parvenir à y puiser quelque chose, l'élan indispensable pour ne pas s'écrouler. Le prêtre lui tendit une petite fiole remplie d'un liquide ambré.
— En très indirecte ligne de chez Dame Poikarea, ajouta le Mivéan. Mais je pense que la confidentialité est garantie à toutes les étapes.
Kerun prit le flacon. L'herboriste elfe qui tenait boutique dans la rue des Courants était une vieille connaissance, et son érudition en matière de remèdes naturels dépassait celle de tous les Béalites de l'île réunis.
Il ne tergiversa pas, déboucha le récipient et avala son contenu d'une traite. Le liquide glacé lui coula dans la gorge puis se diffusa en une onde vive, suivie une explosion fulgurante. Il cligna des yeux, surpris d'être assis sur le lit. Devlin lui soutenait le bras, une grimace amusée sur le visage.
— L'effet me semble radical. Vous allez bien ?
Kerun opina du chef.
— Je ne...
Le prêtre l'aida à s'allonger. L'antidote avait nettoyé son organisme du poison, mais l'appel de la Transe n'en était que plus fort. Il avait plusieurs jours de veille à rattraper. Il ne voulait pas sombrer, cependant, pas avant d'avoir parlé avec son sauveur.
— Je dois... J'ai besoin...
— Je sais, dit le Mivéan, apaisant.
Ce calme, chez cet homme, était effrayant.
— Je vous promets de vous emmener au Temple ensuite, reprit Kerun. Laissez-moi juste... juste quelques heures. Je pourrai rassembler mes idées, nous pourrons décider d'une stratégie.
— Ne vous inquiétez pas, répondit Devlin, apaisant. Je vous attendrai.
Son expression se fit curieusement plus sérieuse.
— Mivei m'a averti de votre venue. J'ai foi en son message. Nous allons...
Il s'interrompit, les yeux écarquillés, pressa l'épaule de l'elfe.
— Ne vous endormez pas !
Il se leva et fila aussitôt dans la pièce voisine, laissant Kerun décontenancé. La Transe revint l'engourdir. Il avait besoin, immensément besoin, de s'abandonner à sa torpeur. Chaque fibre de son corps le lui hurlait. Il lutta, cependant. Devlin reparut, un parchemin à la main, qu'il lui fourra sous les yeux.
Un portrait.
— Iris, murmura Kerun, surpris.
— Vous la connaissez ?
— C'est un de mes agents infiltrés.
Kerun releva les yeux.
— Où l'avez-vous vue ? s'exclama-t-il, soudain fébrile.
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasyAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...