93. Rhys

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— Où est Gareth ?

Assise dans la salle du conseil, Vaelith Damaer paraissait stupéfaite de contempler le général Rhys Dunwydd en lieu et place de son supérieur. À ses côtés, Ferdinand Fortebrise paraissait à peine moins choqué. Le commandant de la garde, en revanche, ne reflétait rien. Impossible de savoir s'il partageait leur outrage ou s'il s'en contrefichait complètement.

— Occupé, je vous l'ai dit, annonça Rhys. Il m'a mandaté pour le remplacer.

La conseillère elfe cligna des yeux, lentement, incrédule.

— Pardonnez-moi, général, mais... vous vous foutez de moi ?

Rhys carra les épaules. Il avait l'habitude des gens caractériels. La petite magicienne n'était pas tellement différente de Gareth. Ils secouaient leurs interlocuteurs comme des pruniers, en espérant les déborder. Il savait encaisser, sans quoi il n'aurait jamais atteint le poste qu'il occupait aujourd'hui.

Il agita son parchemin.

— Il m'a transmis ses directives. Ici. Sa parole.

Vaelith grogna et se carra contre son dossier, bras croisés.

— Dans ce cas, les décisions seront prises sans lui.

— Il le sait.

— Je n'aime pas ça, intervint Flèche-Sombre. Où est le général, au juste ?

— Occupé, répéta Dunwydd.

— Occupé, certes, mais est-ce que vous l'avez vu, aujourd'hui ?

— Oui. Il y a moins d'une heure.

Le commandant acquiesça, lèvres pincées. Pensait-il que Maelwyn s'était volatilisé ? Rhys le vit échanger un bref regard avec Dame Damaer et reconnut le mépris que leur engeance éprouvait à l'égard des êtres humains. Personne ne leur demandait de rester à Juvélys, pourtant. Les bois qu'on leur avait cédés, au nord, étaient bien assez grands pour tous les accueillir. Leur présence parmi eux lui avait toujours paru suspecte, et ils étaient bien trop nombreux à occuper des postes d'autorité.

Or ils n'avaient jamais protégé la cité de rien, et pourtant, ils conservaient leur position, alors qu'autour d'eux, les humains valsaient au gré des échecs. Dame Damaer était déjà conseillère avant Koneg, Flèche-Sombre occupait son poste depuis les années 30 ou 40, avant même sa naissance. Même le rouquin que Gareth avait fait mettre à l'ombre semblait là depuis toujours.

— Notre très cher Gareth a-t-il laissé son opinion concernant le retour des Griphéliens ? demanda Vaelith, grinçante.

Rhys se pencha sur son document, chercha la ligne appropriée. Gareth avait une écriture déplorable.

— Les Griphéliens sont arrivés dans le quartier du Port et l'Âprecoeur se trouve sous jursi... juridiction... de la garde. Le général Maelwyn fait confiance à ses collègues pour contenir le problème d'ici son retour... demain.

— Son retour ? s'étonna Vaelith.

— Il est très occupé.

— Par quoi ? poussa la conseillère.

— Il ne me l'a pas dit.

— Quel est votre pari, alors, général ?

Il haussa les épaules.

— Faites un effort, Rhys. Vous avez aussi une cervelle, vous savez, pas seulement un menton pour opiner.

Il grimaça.

— Les Obscurs, je suppose.

Ferdinand Fortebrise siffla, tandis que Darren Flèche-Sombre plissait les yeux.

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant