19. Othon

18 5 31
                                    

Après les nouvelles effroyables reçues à l'aube, Othon ne s'attendait pas à être convoqué aussi rapidement une seconde fois. Debout dans la lice, entouré d'une douzaine d'écuyers appliqués, il chercha un remplaçant du regard, remit la supervision des adolescents à Thalie puis gagna le couloir circulaire.

Conserver une mine sereine en pareilles circonstances s'avérait ardu mais Othon avait un visage naturellement renfrogné, dans lequel ses pairs cherchaient rarement des réponses. Il croisa plusieurs prêtres et Flambeaux, sans être importuné, et atteignit le bureau d'Armand. À l'intérieur, se trouvaient le commandant ainsi qu'un elfe aux cheveux courts, roux et aux vêtements bleu-gris. Othon le reconnut pour être celui qui avait déchargé son arbalète et sauvé Kyle dans le Parc, durant la nuit de Saule et Mysgari. Bien sûr, il ne l'avait qu'entraperçu dans la pénombre, et tous les elfes se ressemblaient, mais il était plus ou moins convaincu que c'était le même. Celui qui avait accusé Brendan de mensonge avant de s'enfuir dans la nuit.

« Nous avons la visite d'un agent des services secrets », annonça Armand.

L'elfe tiqua.

« Confidentielle », ajouta le commandant.

Othon acquiesça. Il allait ajouter quelque chose lorsque la porte s'ouvrit sur Céleste, Florent dans son sillage. Le jeune prêtre était livide, des taches rouges parsemant son visage, tandis que la prêtresse conservait un masque de tension. Elle aperçut Kerun et se figea. Armand avait contourné son bureau et il la guida doucement jusqu'à l'un des fauteuils. Céleste paraissait incapable de détacher le regard de leur visiteur inopiné. Florent resta debout.

« Est-ce à propos d'Hector ? » demanda Céleste d'une voix éraillée.

L'elfe parut surpris.

« Non. »

Il les dévisagea mais aucun des Valgrians ne broncha.

« Ce que j'ai à vous dire... est difficile. »

Othon hocha la tête en miroir de son commandant. Les deux autres étaient encore trop bouleversés pour réagir de manière très cohérente. Florent s'autorisa un long frisson.

« Je ne sais pas ce qui a filtré du Fort ces derniers jours, mais les derniers éléments en notre possession indiquent que la cellule obscure que vous avez affrontée dans le Parc est toujours en activité. »

Ils l'avaient craint. Othon se déplaça pour se rapprocher de Florent et Céleste, soucieux de les englober dans le rayonnement apaisant de son aura. Armand prit une profonde inspiration.

« Nous l'avions envisagé », finit-il par admettre.

L'elfe relâcha un léger soupir et son regard se fit fuyant.

« Un des membres de cette cellule semble être Albérich Megrall. »

Un silence estomaqué suivit cette déclaration. C'était une affirmation tellement énorme que personne ne semblait savoir quoi dire. Othon eut envie de rire, mais s'en abstint.

« Albérich Megrall est mort », annonça finalement Florent, d'une voix incertaine.

L'elfe leur refit face.

« Son corps n'a jamais été formellement identifié parmi les cadavres calcinés de la Tour. Il a pu survivre.

— Le général Maelwyn a certifié qu'il était mort ! s'exclama alors Céleste.

— Je sais », répondit simplement l'elfe.

Armand s'était levé et il s'assit à côté de la vieille femme au visage figé.

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant