71. Helga

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Suite aux événements de la nuit, Maelwyn avait dégagé ses mercenaires du Temple de Valgrian et leur avait confié le cadavre du non-mort, ainsi qu'un retour plus actif à la traque des Obscurs. Le général était convaincu que le bateau coulé, l'incendie du bureau des naturalisations, le meurtre d'un écrivain public dans le quartier commerçant, les inscriptions obscènes laissées sur la tour d'enceinte de la porte Nord, la tentative de cambriolage de l'ambassade de Rhyvan et environ une demi-douzaine d'autres incidents émanaient tous des Obscurs.

Docile, Helga avait envoyé différents membres de son équipe dans le sillage des enquêteurs de la garde, ne conservant auprès d'elle, au Fort, que Fern et Asthéorn, qui avaient d'autres missions à remplir. La sienne, de surcroît, était devenue critique.

Helga avait l'habitude d'accueillir de nouvelles têtes au sein de sa compagnie. Les risques du métier provoquaient de réguliers écrémages dans les rangs, et il fallait remplacer les pertes. Ils étaient arrivés à quinze sur les rives de Jasarin, la guerre entre Griphel et Rhyvan les avait réduit à douze lorsqu'ils avaient embarqué pour la Tyrgria, et en moins d'un mois, les Obscurs avaient tué cinq d'entre eux, notamment Léopold, son second de longue date.

Il ne leur restait qu'une solution : recruter. Pareille initiative aurait dû se révéler impossible dans une cité vouée à Valgrian, mais c'était sans compter sur les ordures qui pourrissaient en prison. Quand elle avait soufflé l'idée à Maelwyn, loin de pousser des hauts cris, le conseiller avait accepté en plaçant ses conditions : elle devait promettre de garder ces gens à l'oeil, à tout moment, de les ramener en prison s'ils ne lui convenaient pas, et de quitter la Tyrgria une fois leur besogne accomplie, en embarquant les heureux élus. Helga avait accepté.

Il lui avait alors confié les registres d'incarcération, de véritables mines d'or, regorgeant d'informations précieuses sur chacun des condamnés. C'était le luxe d'une justice précise et soucieuse de ne pas commettre d'erreurs, une perte colossale de temps, de son point de vue, mais à l'heure actuelle, très utile. Helga les compulsait avec un intérêt qui frisait par moments le voyeurisme – il y avait quelques beaux monstres, en cellule, qu'on aurait exécuté n'importe où ailleurs – tout en conservant son objectif clair dans son esprit. Elle avait besoin – un urgent besoin – de trois ou quatre recrues.

Les gonds de la porte grincèrent, l'arrachant à son labeur. Campé dans l'embrsasure, Asthéorn lui décocha un sourire carnassier.

— Désolé de t'interrompre, mais le magicien de Maelwyn est arrivé.

Helga s'étira longuement. Le soleil généreux nimbait la petite salle de couleurs vives, mais le visage du néjo lui apparaissait un peu flou. Rançon de l'âge. Elle se frotta les yeux.

— Du progrès avec le Valgrian ?

— Non. Le sortilège dont il s'est bardé est solide... et Maelwyn veut qu'il craque sans que je le touche, donc... On verra demain, quand il se sera à nu. Franchement, je doute qu'il sache où sont les Obscurs. Sa colère me parait sincère. S'il y a des traîtres parmi eux, je ne parierais pas sur celui-là.

— Ce qui ne veut pas dire qu'il ne sait rien. Mais bon. Je vais aller voir de Villintime. Est-ce que tu peux prendre le relais ici ?

Elle se leva, lui désigna la chaise. Il s'y coula sans protester, plus curieux qu'ennuyé. Léopold aurait poussé des cris à l'idée de devoir passer un après-midi dans la paperasse, mais Théo s'avérait moins réfractaire aux aspects statiques de la profession.

— Bon, ça, c'est le registre de la prison principale. Je l'ai terminé, je pense, avec cette liste. Celui-ci, c'est la prison du Fort. Pas mal d'anciens partisans de Damien Koneg y sont enfermés. Je n'ai pas encore pu aller très loin, mais les profils sont plus variés... et souvent mieux formés. D'anciens militaires, des hommes de la garde, des intellectuels divers... Le registre ne mentionne pas grand-chose, mais ces dossiers...

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant