« Désolé. Je n'ai pas réfléchi. »
Diane gratifia Brendan d'un sourire apaisant, malgré la brume qui l'environnait et l'humidité qui lui voilait encore le regard. Le Mivéan l'avait tirée du lit, comme bien souvent le faisaient ceux qui ne vénéraient pas Tymyr et oubliaient que ses prêtres dormaient le jour et vivaient la nuit.
Elle étouffa un bâillement et se leva pour récupérer la bouilloire qui sifflait désormais sur l'âtre ranimé. Après avoir ouvert les portes, Jost était retourné se coucher en maugréant. Diane songea au panneau reprenant leurs horaires, qu'on leur avait à nouveau volé, puis se servit une tasse d'eau brûlante. Son visiteur refusa d'un geste fébrile.
« Dis-moi », lui proposa-t-elle simplement.
Il soupira et passa les paumes sur son visage.
« Il reste des Obscurs dans la nature, annonça-t-il. Je suis navré. Nous n'avons pas réussi. »
Le brouillard de la Primitive s'amplifia brutalement : le monde devint blanc, en reflet de son émotion vive. En elle-même, elle demeura cependant très calme. C'était l'avantage indirect de cette manifestation extérieure : la nervosité se sublimait dans le nuage qui l'environnait, lui permettant de conserver son sang-froid.
« C'était trop simple, souffla-t-elle.
— Ils ont dû comprendre que c'était un piège. Ou diviser leurs forces. Je n'en sais rien.
— Il peut y avoir plus d'une cellule, avec des liens ténus...
— Les Valgrians sont au courant, comme les autorités. Je ne pense pas qu'ils aient l'intention de communiquer... avant d'avoir véritablement réglé le problème.
— Si les Obscurs ne se manifestent pas avant cela...
— Je pense qu'ils ont décimé un groupe de Preux Épris. Cinq d'entre eux. Ils étaient rentrés pour secourir Soren et ils se sont volatilisés. »
La brume s'opacifia et Brendan disparut complètement. Diane prit plusieurs longues inspirations, relâcha son souffle, frotta ses mains glacées l'une contre l'autre, puis reprit sa tasse brûlante. Les contours du Mivéan reparurent. Il n'avait pas bougé, pas bronché, et elle se sentit reconnaissante qu'il accepte sa particularité avec un tel flegme. C'était un homme qui avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse, elle devinait qu'il avait assisté à plus d'un prodige dans la Vallée Fertile. Peut-être avait-il fréquenté d'autres Primitifs, peut-être était-il, simplement, ouvert d'esprit.
« À quoi penses-tu ? demanda finalement Diane.
— Mon sentiment est que... nous devons agir à nouveau. Autrement. Blanche... ma novice... n'a pas perçu grand-chose, pendant sa détention... Je l'ai interrogée en détails.. mais elle est très jeune, et elle a perdu... le fil, je pense, des jours, du temps... Son vocabulaire ne suffit pas pour me décrire ce qu'elle a vu. Et je pense que les Obscurs ont placé certains voiles sur sa mémoire.
— Je peux les dissiper.
— Même s'ils ne sont plus actifs ?
— Que veux-tu dire ?
— Je crois qu'ils l'ont ensorcelée quand ils l'ont déplacée de leur planque jusqu'au Parc. Tout est obscurci. Elle ne se souvient de rien. Un moment, elle peut évoquer ses geôliers, le suivant, elle a les pieds dans l'herbe humide.
— Je peux lever ce voile. Mais ça ne veut pas dire qu'elle se souviendra de ce qui s'est produit.
— Elle le pourra, avec de l'aide. »
Diane fronça les sourcils.
« Tu songes à un Kintaan. »
Brendan acquiesça, le regard défiant.
VOUS LISEZ
Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantastikAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...