« Un incendie, c'est ridicule ! » s'exclama Florent, avec une virulence compréhensible.
Avec la défaite des Obscurs, Rachel avait espéré que les réunions seraient de l'histoire ancienne. Elle avait horreur de passer du temps sur ses fesses, dans un espace confiné, à tenter d'assimiler les palabres de ses aînés. Mais quand ils avaient été convoqués, Florent et elle, elle avait tout de suite compris qu'il avait dû se passer quelque chose de grave. L'absence de Marcus, en particulier, l'avait inquiétée. Ça, la mine hantée des aînés du Temple et celle, plus stoïque, d'une poignée de Flambeaux, rassemblés dans la petite salle où ils tenaient conseil.
« Nous en sommes tous conscients, intervint Armand avec douceur. C'est la raison pour laquelle Urbain va se rendre sur le site. »
Le chevalier opina du chef, lèvres pincées. Il portait des vêtements de voyage, sans marque valgrianne, avec l'intention probable d'enfourcher son destrier dès qu'ils en auraient terminé. Florent avait noyé son visage entre ses mains ; Rachel devinait qu'il maîtrisait tout juste son émotion. Depuis qu'il avait été blessé par les Obscurs, il était sur le qui-vive, comme craintif de son ombre, ou conscient de sa mortalité.
« Comment on a su ? demanda-t-elle, interdite.
— Nous avons été avertis par les autorités juste après l'office. Ce genre d'incident grave est rapporté à la garde juvélienne, qui juge de la nécessité d'une enquête approfondie.
— Qu'est-ce qu'ils ont dit ? s'exclama Florent, en relevant un visage congestionné. Comment peut-on être sûrs qu'ils y étaient ? »
Armand se tourna vers lui.
« On ne peut pas, et c'est la raison pour laquelle Urbain va s'y rendre, seul, en toute discrétion. L'auberge était isolée, les autorités ont recueilli le témoignage des fermiers voisins, qui avaient vu le groupe passer devant chez eux en fin de journée.
— Ils voyageaient incognito, grommela Florent.
— Mais ils se sont arrêtés pour demander conseil pour leur étape de nuit. Il y avait un grand marché dans le village le plus proche, et les hostelleries étaient pleines. C'est ce qui les a dirigés vers cette auberge isolée. »
Florent secoua la tête.
« On n'est pas sûrs qu'ils s'y sont arrêtés, alors ? demanda Rachel, avec une pointe d'espoir.
— Non. Mais Hector est injoignable », murmura Céleste d'une voix éteinte.
Armand croisa les bras, le front ridé par la gravité.
« On parle d'une douzaine de corps dans les vestiges de l'auberge, révéla-t-il.
— Est-ce que les autorités savent tout ? demanda Florent. Est-ce que cette information va se répandre dans la ville dans les heures qui viennent ?
— Ils savent qu'il y a potentiellement des Valgrians parmi les victimes, peut-être pas qu'Hector en faisait partie, reprit le commandant des Flambeaux. Mais il ne faut pas se faire d'illusions : son absence est chose connue de tous. Sa destination l'était également dans certains cercles, et ils doivent se douter qu'il était sur la route du retour. »
Florent dissimula à nouveau son visage entre ses mains.
« Ce n'est pas possible, souffla-t-il. Ça n'a pas pu arriver... comme ça...
— Nous allons éviter de nous perdre en conjectures à ce stade, reprit Armand; la voix toujours égale. Urbain devrait pouvoir rentrer demain durant la nuit. D'ici là, nous devons faire face. Envisager le pire, espérer le meilleur. »
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Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépuscule
FantasiAttention, ceci est la seconde partie du Printemps des Obscurs... La lire sans avoir terminé le premier tome est absolument inutile. De même, le résumé qui suit contient immanquablement de nombreux spoilers ! *** Après le coup d'éclat des prêtres, l...