104. Othon (1/2)

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TW : encore, désolée... 🙈 🩸🔪

A l'autre bout du complexe, Othon et Brendan entamèrent leur progression sans heurts. Le chevalier répugnait à abandonner Diane derrière eux, mais l'impatience de son ami le bousculait, et ils ne pouvaient pas laisser Kerun seul dans le nid de frelons.

La première porte qu'ils ouvrirent donnait sur une réserve de matériel, qui servait aussi de garde-manger. Les Obscurs semblaient y avoir empilé de quoi tenir plusieurs mois, à moins qu'ils ne soient des centaines, ce qu'Othon refusa d'envisager. En face, une chambre semblait avoir accueilli plusieurs dormeurs contraints, des fers ornaient encore le cadre des lits, mais il n'y restait plus personne.

Ils débouchèrent ensuite le fameux couloir circulaire qui reproduisait l'architecture de l'Assemblée, deux étages au-dessus. La courbure parut moins ample au chevalier, signe que le conduit n'avait pas la longueur de la rotonde extérieure de la salle en surface. Une chance pour leur rapidité d'action.

Une arche béait, droit devant eux, et ils la franchirent pour pénétrer dans une salle à manger déserte. Les reliefs d'un repas récent gisaient sur une nappe souillée, Othon compta une demi-douzaine d'assiettes, huma l'odeur résiduelle d'une volaille rôtie. La graisse s'était figée dans les plats.

— On dirait qu'ils ont abandonné le navire, murmura le Mivéan, derrière son épaule. Comme s'ils avaient deviné...

— Ils sont sans doute simplement sortis pour la nuit, rétorqua Othon.

Le contraire était inconcevable. Il s'était évadé du Temple. Il ne pouvait pas revenir les mains vides. Brendan acquiesça et ils déambulèrent un moment dans la pièce, sans rien y trouver d'utile, avant de regagner le couloir.

— Tu as entendu ça ? souffla le prêtre.

Othon s'immobilisa, tendit l'oreille. Un son aigu, irrégulier, s'échappant d'une gorge humaine. Comme un gloussement, un rire, une supplique, une plainte d'agonie. Ils se hâtèrent dans la direction du gémissement, sans prendre la peine de vérifier ce qui se trouvait dans les pièces qu'ils dépassaient. Ils y reviendraient plus tard, une fois qu'ils auraient géré la menace... ou l'otage.

Quelque chose soufflait à Othon qu'il s'agissait de la seconde possibilité. Peut-être un frémissement dans le Flux. Pour s'en assurer, il aurait dû déchirer la cape dont l'avait gratifié Diane, et il répugnait à se révéler trop vite. Le poids de l'énergie tymyrienne fondrait sur lui, il le savait, comme un prédateur sur une proie vulnérable. Une étincelle dans la nuit noire, un fanal, il devait attendre un véritable combat pour s'exposer.

À ses côtés, Brendan cheminait, la mâchoire crispée, le poing serré sur le manche de sa rapière. Même s'il était porté par une juste fureur, Othon avait le sensation que son association imprévue avec l'elfe l'avait tempéré. Il n'avait pas eu l'opportunité de lui raconter tous les détails, mais le chevalier y voyait l'empreinte de Mivei, d'un destin clément, enfin, pour celui qui s'y était voué.

Ils s'immobilisèrent de part et d'autre de la porte. Brendan posa l'oreille sur le bois renforcé. Une odeur de sang caillé empuantissait l'air, un parfum de champ de bataille, de charnier.

— Il y a des cadavres, là-derrière, murmura Othon.

— Et une personne vivante.

Dont le rire leur parvenait désormais plus clairement, entre deux sanglots, deux gémissements.

— Peut-être deux, compléta Brendan, sourcils froncés.

— Ou quelqu'un qui a perdu la tête.

Othon était prêt à défoncer la porte, mais la poignée tourna. Ils se dévisagèrent une dernière fois et bondirent à l'intérieur, parés pour en découdre.

Le Printemps des Obscurs - 2. Un désir de crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant