B

4. Anna *

ANNA

Décidément.

Anna passa lentement une main sur son visage pour retrouver son calme sans se démaquiller. Évitant délibérément sa précieuse mouche, elle finit par se ronger un ongle et réfléchit à plein régime. Que faire, à présent ? Elle était entourée de ces fantômes qui tenaient absolument à la regarder dans les yeux, ce qui l'insupportait au plus haut point. Mais rien ne la rendait plus nerveuse que d'avoir laissé Philémon Marsanguet derrière la porte. Je n'aurais jamais dû perdre mon calme... Elle regrettait d'avoir agi ainsi, mais la fierté l'empêchait de tenter de débloquer la serrure et d'enjoindre cet homme très mal habillé de la suivre.

Viens par-là, Anna.

Encore une voix qui n'était certainement pas la sienne.

« Je suis la seule à avoir le droit de parler dans ma tête. » déclara-t-elle tout haut.

Arrête, Anna, tu sais très bien que tu en as envie.

« Pas de cela avec moi. Je ne sais pas de quoi vous voulez parler, stupides fantômes. Je ne m'en souviens même pas ! Inutile de me rappeler mon passé, il ne signifie plus rien pour moi ! »

Ce monde était nouveau pour elle, qui rêvait tant d'aventure ! Même si, pour le moment, cela ne commençait pas très bien...

Et ça ?

Un horrible frisson parcourut la colonne vertébrale d'Anna, et elle crut qu'on lui touchait la cuisse. Paniquée, elle frappa le côté de sa robe où elle avait senti ce contact imaginaire. Ne perds pas le fil de tes pensées, ne perds surtout pas le fil de tes pensées. Allons vers ces fantômes. La seule issue était de l'autre côté de cette pièce. Elle avait choisi cette porte-ci en se réveillant, après s'être enfuie précipitamment en entendant ces voix inconnues lui raconter des choses incompréhensibles, mais il y en avait une deuxième. Il fallait absolument qu'elle repoussât tous ces esprits et sortît du bon côté !

Philémon lui avait dit qu'il n'y avait pas d'autres portes dans l'autre direction... Que va-t-il devenir ? Non, elle ne devait pas se poser ce genre de questions.

Les fantômes étaient déjà en train de se disperser dans la pièce. Bien, cela en fait toujours moins à repousser. Elle souleva sa robe, chose qu'elle n'aurait jamais osé faire à la Cour de Sa Majesté François Ier – montrer ses chevilles en public, qu'y avait-il de plus vulgaire ? Elle n'était pas une prostituée, enfin ! –, et prit son élan. Traverser, traverser, traverser. Courir, fermer cette porte, prendre l'autre porte, la refermer. Ce serait la fin de ses problèmes.

Anna, viens par-là, je ne le répèterai pas deux fois.

Elle crut distinguer un homme blond dans la pénombre de la pièce. Ton imagination. Elle courut vers la porte et posa avec force sa main sur la poignée. Elle sentit le froid des fantômes sur sa peau, ses vêtements, dans ses cheveux, et elle poussa un cri perçant en accélérant. Anna poussa la porte avec violence et se précipita sur la suivante, toujours fermée, tout en se donnant des claques partout sur le corps. Toujours ce froid...