14. Juka

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JUKA

Panique, violence, précipitation. Juka se débattait, inquiète du sort que le petit groupe lui réservait. Elle se trouvait aux côtés d'un jeune homme vêtu d'un pagne qui glapissait de terreur dans ses sandales miteuses. Son torse était couvert par un épais vêtement verdâtre. D'où viennent ces sauvages ? Personne n'est habillé de la même façon !

Elle devait absolument arrêter d'essayer de comprendre ces étrangers et les combattre, mais comment s'attaquer à ce genre d'individus ? Un maigrichon tremblant comme une feuille, l'espèce de fou moustachu qu'elle avait rencontré quelques instants plus tôt, une fille un peu ronde qui la regardait comme un gibier traqué, un vieux malade qui parlait tout seul... Non, ils ne m'inspirent que de la pitié, pas de la peur.

Juka se demanda brusquement pourquoi l'autre jeune femme ne les avait pas suivis. Elle l'avait attaquée un peu précipitamment, certes, mais sa robe bleue l'avait effrayée. Les ennemis de sa tribu étaient vêtus de gris, et le bleu n'était pas si loin... Heureusement, l'inconnue ne lui voulait aucun mal. D'ailleurs, personne ne la menaçait, excepté cette espèce d'insecte géant qui faisait sortir des mains du sol et des murs. Si seulement l'esprit que j'ai rencontré tout à l'heure pouvait venir avec nous ! Il était le seul à savoir déchiffrer sa langue.

Comment peut-il y avoir des ethnies habillées de cette manière ?

« Oh ! s'exclama-t-elle en sentant la main de la fille enrobée serrer un peu trop fort son avant-bras. Lâche-moi ! Lâche-moi ! »

L'autre la regarda d'un air hébété et la lâcha en poussant un petit cri effrayé. Juka en profita pour reculer et sortir son poignard.

« Arrière ! Reculez tous et laissez-moi partir, sinon je vous tue ! » hurla-t-elle en le pointant sur le vieil homme.

Des menaces vides de sens. Elle n'avait pas l'intention de l'empaler mais demandait à ce qu'on la laisse marcher à sa guise... ce qui n'eut pas l'air d'être très bien compris par les autres membres du groupe.

« Juka ! l'exhorta Philémon en levant les bras. Juka, calme.

— Kame ? Kame ? Je ne veux pas qu'on me fasse le kame ! »

Cet idiot l'incitait-il réellement à se taire ? La voie du kame était réservée aux sorciers et aux menteurs. Ils devaient garder le silence en méditant sur leur vocation ou leurs péchés.

« Non, je veux dire... » hésita-t-il en lissant machinalement sa moustache, un geste coquet qui étonna Juka.

Philémon secoua la tête, paraissant abandonner la discussion. On ne se comprend pas. Je ne devrais pas les provoquer. Il était difficile de garder son calme en étant entourée d'étrangers se comportant singulièrement... De quel village pouvait être issu le vieil homme pour être si âgé et pourtant si solide sur ses deux jambes ? Qui pouvait vivre aussi longtemps en bonne santé ? Il existe une contrée où les hommes ne meurent pas. Elle écarquilla les yeux, ivre de stupeur. Une contrée où les hommes ne meurent pas ! Est-ce que c'était possible ? Le vieil homme la dévisageait maintenant avec curiosité, mais elle n'y prit pas garde. Est-ce qu'il pourrait être un dieu ?

« Qu'est-ce qu'elle a à me fixer, la sauvage ?

Maurice, ne soyez pas irrespectueux. Elle ne comprend pas ce que nous disons, répondit Philémon en se frottant la joue.

Elle me fout la trouille à me regarder comme ça, c'est quoi son problème ?!

Je crois qu'elle a compris que nous sommes tous issus d'époques différentes... Juka ? » hésita-t-il.

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