LEMNOS
Le son du piano emplissait la pièce. Philémon avait demandé à B de lui installer quelques instruments de musique. Lemnos ne savait jouer... de rien. Il songea qu'il demanderait un peu d'aide à Philémon, un jour.
C'était l'heure du dîner. Chaque convive était terriblement jaloux du talent musical du gentleman, comme Camille l'appelait, La plupart d'entre eux n'avaient pas la moindre idée de ce qu'il jouait, cependant. Lemnos n'avait jamais entendu pareille mélodie. La mélancolie était inhérente à la musique de son époque, mais celle du XIXème siècle était différente. Anna semblait subjuguée. Agnès, qui n'avait pas trouvé assez d'appétit pour manger plus d'un morceau de pain, regardait le plafond en écoutant.
Lorsque la mélodie prit fin, Philémon remit son haut-de-forme sur sa tête et annonça :
« Je viens de jouer la valse numéro 7, opus 64 numéro 2 de Frédéric Chopin.
— Pourquoi tant de nombres ? demanda Anna en applaudissant avec les autres.
— Car il y en a beaucoup, tout simplement. » répondit-il en les rejoignant à table.
Il s'installa avec ses amis et s'attaqua à une salade de riz. Lemnos songea qu'il n'avait pas encore le niveau pour comprendre des conversations en français. Philémon parlait trop vite !
« Musique triste, prononça Julius.
— Triste ! répéta Juka en se gavant de poisson séché – ou fumé, Lemnos n'était pas un spécialiste.
— C'était très beau, ajouta Nok. Je n'avais jamais pu entendre de Chopin... la puce d'infos était cassée. Elle faisait un vrombissement dégoûtant en boucle.
— Je connais d'autres compositeurs, dit Philémon, mais pas ceux qui ont suivi ma disparition. Y en a-t-il eu des bons ? »
Nok sembla réfléchir.
« Euh... Debussy ? Saint-Saëns ?
— Je ne les connais pas ! Je vais devoir me pencher sur ces puces d'infos, moi aussi... Sur ce, bon appétit à tous ! »
Camille regarda autour d'elle pour vérifier que personne ne l'écoutait et expliqua à Lemnos en grec :
« Philémon joue de la musique mélancolique. C'est très cliché, quand on voit ses vêtements, sa façon de s'exprimer... Il fait tout comme un gentleman riche, triste et torturé.
— Il a bien dit qu'il avait ruiné sa famille en donnant de l'argent à des savants, non ?
— Peut-être..., dit Camille. Il vit sans doute au-dessus de ses moyens, dans ce cas.
— On peut vivre avec de l'argent qu'on ne possède pas ?
— Oui, mais on en paie sévèrement les conséquences. »
Sur cette conclusion énigmatique, Lemnos passa au plat principal. Lorsque son ventre fut rempli à exploser de légumes et de porc, il s'appuya contre le dossier de sa chaise. Anna avait décrété qu'elle en avait assez de manger assise sur un banc et B s'était exécuté. Chacune des chaises était maintenant recouverte d'une matière moelleuse de couleur rouge. Lemnos se sentait presque riche ! En parlant d'Anna, elle a l'air d'avoir sympathisé avec Charles... L'ancien esclave grec ne se souvenait même pas si Charles lui avait adressé la parole une seule fois. Il était souvent silencieux et ne discutait qu'avec Nok... jusqu'à maintenant.

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B
AvventuraDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...