PHILÉMON
Après une nuit terriblement agitée, Philémon se détendit dans un long bain brûlant. Ses cauchemars l'épuisaient mais il se devait d'avoir l'air joyeux pour sa propre session de tourisme. J'ai instauré cet événement... Je dois m'y tenir avec le sourire ! Il lutta pour ne pas s'endormir dans l'eau chaude puis s'habilla avec tout le style dont il était capable. Je vais sans doute passer pour le dandy le plus extrême de mon époque, mais qu'importe ! Je serai beau. Il faillit tomber à la renverse en entrant dans la salle à manger.
Lorsque ses amis s'étaient habillés selon d'autres époques, Philémon avait considéré cela comme du pur déguisement. Seulement, maintenant qu'il s'agissait de son propre quotidien, il était très impressionné. En les voyant tous vêtus du plus pur style parisien des années 1850, le gentleman ne put retenir un cri de joie.
« Vous êtes absolument sublimes ! Tous !
— Est-ce qu'on aurait fait des fautes de goût, par hasard ? demanda Maurice, qui portait une redingote noire en soie.
— Non, absolument pas. Très beau choix de foulard, par ailleurs !
— Merci, dit le scientifique avec fierté.
— Je ne vois pas de problèmes particuliers... À l'exception de Lemnos. »
Camille se mit immédiatement sur la défensive. L'esclave grec prit une expression contrite.
« Pourquoi ?
— Il ne faut pas porter de rouge avec de l'orangé. En plus, ce chapeau ne va pas très bien avec vos chaussettes.
— J'ai inventé ce style. » répliqua Lemnos avec plus d'aplomb que Philémon n'aurait cru en voir de sa part.
Le gentleman sourit et remit en place son haut-de-forme par pur réflexe.
« Dans ce cas, Lemnos... Vous avez tout compris. »
Devant la porte menant à Paris en 1852, Philémon prévint ses amis.
« Paris sent très mauvais. Cachez votre nez dans votre foulard, je vous le recommande. Je suis habitué à respirer par la bouche, mais ce n'est peut-être pas votre cas.
— À ce point ? s'étonna Camille. Quand j'y suis allée en vacances, ce n'était pas si mal. Ça sentait la pollution, mais ce ne sera pas votre cas puisque vous n'aviez pas encore de voitures. Qu'est-ce que ça peut sentir ?
— La crasse, la mort. Le poisson, parfois. »
Anna frissonna de dégoût.
« Quelle horreur ! Et vous vivez là-dedans ?
— Bien sûr, ironisa Agnès. Il pionce dans la fange et remet sa moustache en place au réveil.
— J'ai un appartement situé dans un quartier bourgeois, répondit Philémon sans relever. J'ai pensé qu'il serait intéressant de vous montrer à quoi ressemblent les environs.
— La Tour Eiffel ! s'exclama Nok avant de perdre son sourire. Ou... peut-être pas, en fait.
— Quelle tour ?
— Allons bon, dit Maurice, tu ne lui as pas donné tout ton argent, à celui-là ? Il le méritait bien. »
Philémon préféra s'éclaircir la voix et ouvrit la porte sans un mot. Je ne comprends pas un traître mot de ce qu'ils me disent. Une odeur insupportable leur attaqua les narines.
« Protégez votre nez ! s'écria Philémon.
— Non, j'ai largement mieux, répliqua Maurice. B, vire-nous cette puanteur, s'il te plaît ! »

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B
AventurăDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...