9. Juka *

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JUKA


Juka ne comprenait rien. Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Le sol avait la consistance de la pierre polie, mais polie à l'extrême ! Elle avait dormi dessus et son dos lui faisait très mal. Le lit de sa maison était simple mais plus confortable !

Ce lieu ressemblait à sa maison, mais en beaucoup plus grand. Jamais elle n'avait vu une pièce pareille ! Une immense salle avec un parterre doux et rigide, plus solide que la roche elle-même. À la différence des murs sommaires de son chez-elle, ceux de cette pièce étaient très haut, robustes et décorés de belles peintures.

Au lieu des poteries peintes que la jeune femme aimait fabriquer pour colorer sa maison, cette salle possédait des vases très fins, magnifiques et très grands, ainsi que d'autres objets qu'elle n'aurait su décrire. À quoi servent autant de décorations ? Juka était effrayée par toutes ces nouveautés. Est-ce qu'elle était arrivée dans la demeure d'un peuple plus évolué que le sien ? Impossible, personne ne peut être aussi doué.

Juka se redressa. Elle s'avança vers la gigantesque table en bois qui trônait au milieu de la salle et posa sa main dessus. Pas d'échardes ! C'était le meilleur ouvrage qu'elle ait jamais touché. Quel genre de peuple peut avoir un talent pareil dans la confection des meubles ? La maison de sa famille était depuis toujours considérée comme la plus belle du village, et pourtant...

Elle s'approcha d'une commode qui contenait des vêtements. Cette qualité... ! Juka les étala sur le sol devant elle et les compara aux siens. Elle qui ne portait qu'une robe en peau de vache aurait bien aimé essayer ce qu'elle avait sous les yeux... Tout avait l'air si confortable ! Mais elle n'eut pas le temps de changer de tenue car son regard alerte fut attiré par un mouvement sur le côté.

Juka aperçut du coin de l'œil que quelqu'un était assis sur une chaise près de la table. Une personne évanescente, transparente et flasque, au regard froid et distant. Son corps était bleu clair. Impossible, juste impossible. La jeune femme repensa aux contes de la doyenne du village, à ses histoires qui faisaient froid dans le dos. Des esprits frappeurs, des fantômes perdus... Elle détestait s'asseoir autour du feu et l'écouter parler. Cela lui donnait des frissons et elle n'en dormait plus.

Juka passa nerveusement une main dans ses cheveux bouclés hirsutes et s'approcha lentement de l'inconnu, les jambes flageolantes. Doucement, doucement... S'il bouge... Attention... L'esprit se révéla être un homme portant une grande moustache et des habits étranges. Ce n'est certainement pas de la vache. Il leva doucement les yeux vers elle et lui parla dans une langue qu'elle comprit. Bizarre, il n'est pourtant pas de mon village.

« Je ne sais pas ce que je fais ici, mademoiselle, soupira-t-il en passant une main sur son front transparent.

— Moi non plus, je n'en sais rien. » avoua Juka, légèrement rassurée.

L'homme n'était pas une bête sauvage, juste un inconnu inoffensif. Bonne nouvelle. Une ombre mélancolique traversa son visage et il poursuivit :

« Je vous vois inquiète, mais il ne faut pas l'être ! Cet endroit n'est pas dangereux.

— Où est-ce que je suis ? Où est ma famille ? »

Il baissa les yeux, hésitant.

« Je ne pense pas qu'elle soit ici. Mais il y a peut-être d'autres personnes, c'est ce que le maître des lieux m'a fait comprendre. C'est le seul qui me parle en dehors de vous.

— Quel maître des lieux ? demanda-t-elle, alarmée. Pourquoi ? On m'a mise ici ?

— Je le crois. Pour quelles raisons, cependant, je ne le sais pas ! J'ai juste entendu sa voix résonner dans la pièce, et il m'a dit que je devais aider les humains qui ne comprennent pas le français à ne pas mourir.

BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant