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6. Maurice *

MAURICE

Ses yeux étaient grands ouverts et il était rompu, épuisé. Réveillé au milieu d'un couloir. Il faisait sombre, beaucoup trop sombre, mais il parvenait à distinguer une moquette rugueuse sous ses doigts et un papier peint de très mauvaise qualité sur les murs. Lorsque la vue revint à Maurice, il comprit que la pièce n'était pas réellement plongée dans les ténèbres. Il patienta pour que les étoiles dansant devant ses yeux disparaissent, les sens en alerte. Une légère odeur d'humidité planait dans l'air, amère, désagréable. Ça pue, franchement.

Maurice entendit un léger cliquetis. Quoi encore ? Quelqu'un avait ouvert une porte... Il ne savait pas du tout où il était, et se retrouver face à un étranger ne le rassurait pas. Cependant, il ne s'était pas attendu à tomber sur une fille bien plus large que toutes les femmes qu'il avait connues dans sa vie. Là, c'était clair : il était en présence d'une inconnue ! Je dois absolument réagir.

« Gamine ! s'exclama Maurice d'un ton ferme en se redressant. Approche. »

Elle fit un pas vers lui, tremblante, boulotte, ridicule, pathétique. Elle trottine.

« Vous êtes aussi enfermé dans ce manoir ! s'exclama-t-elle avec un sourire horriblement avenant. Enfin, je suis sûre que c'est un manoir. C'est grand, beau, et il y a des tableaux !

— Tais-toi trois secondes, ma fille. »

Maurice se mit sur ses deux pieds et secoua la tête avec réprobation. Elle le regardait d'un air bête, mais bête... On ne doit pas te dire de la fermer très souvent, mais chacun doit apprendre à se taire, dans la vie. Alors, par où commencer ?

« Chaque chose en son temps. Je suis Maurice Lalie, inventeur, créateur de toute la technologie du siècle à venir. Mon nom entrera dans l'Histoire.

— Où vivez-vous ? demanda la fille avec son air le plus stupide.

— Ça ne te regarde pas, mais j'ai été recruté par un laboratoire militaire en URSS.

— En Russie, fit-elle.

— En URSS.

— En Russie, l'URSS n'existe plus. En quelle année vivez-vous ? Vous me faites penser aux personnes âgées qui disent encore Antenne 2... »

Elle souriait. Du dédain ? Cette imbécile se moquait-elle de lui ? Quelle idiote.

« En 1949, comme nous tous ! Idiote ! »

Elle ne parut pas relever l'insulte et écarquilla les yeux, visiblement ébahie.

« 1949. D'accord, dit-elle, paraissant comprendre quelque chose qui lui échappait, et peu d'éléments échappaient à Maurice. Est-ce que cet endroit rassemble des gens de... différentes époques ? Ou alors c'est une caméra cachée ? C'est sûrement une caméra cachée.

— Il y a d'autres personnes que nous ici ? demanda Maurice en fronçant les sourcils.

— Je pense que oui, pourquoi ne serions-nous que deux ? Donc... vous viviez en 1949 avant de vous retrouver ici, je me trompe ? C'est forcément une blague.

— Est-ce que j'ai l'air de rigoler ?

— Non, effectivement... »

La fille fronça les sourcils mais sembla accepter sa première hypothèse. Elle raconte n'importe quoi. Cette histoire d'époques différentes a l'air de lui sembler très normale !

« Ça expliquerait pourquoi vous parlez d'URSS. » murmura-t-elle.

Cette fille avait l'air d'être tellement sûre d'elle !