PHILÉMON
Philémon réfléchissait à plein régime. Que faire, à présent ? Charles était assis contre un arbre à la limite de la clairière, toujours secoué de tremblements. Nok avait réussi à faire cesser ses cris, mais le jeune révolutionnaire n'allait pas mieux. Philémon était attristé de le voir dans un tel état. Quelle horreur, pauvre garçon ! Il sait qu'il est responsable de la mort de son ami... Jamais il ne pourra s'en remettre, c'est affreux. Tandis que Charles hoquetait de moins en moins fort, Anna leva la main pour poser une question.
« Y aurait-il un moyen d'éviter tout cela ?
— Que voulez-vous dire ? dit B d'un ton hésitant. Vous souhaiteriez être renvoyés chez vous et... ne pas mourir ?
— Absolument. Regardez Charles, il aurait pu fuir le pays au lieu d'être exécuté. Accepter son exil. Quant à moi, j'aurais pu me battre contre Renaud et survivre ! »
B baissa les yeux, songeur.
« Je n'ai pas le droit de changer le passé, vous l'imaginez bien. Vous risqueriez de changer l'avenir... Imaginez que Lemnos ait une descendance, par exemple. Peut-être que son arrière-petit-fils va assassiner mon propre ancêtre, ou celui de l'homme qui a créé le système quantique qui met en place ce manoir ! Ce serait une catastrophe... Je ne sais même pas ce qu'il pourrait se passer, pour être honnête. Un paradoxe temporel terrible !
— Dans ce cas, proposa Philémon, nous pourrions vous jurer de sauver notre vie et de nous enfuir sans fonder de famille. Nous vivrions dans un lieu très éloigné de celui qui nous a vus mourir. Personne ne le saurait, nous ne serions plus personne. Un changement de nom, et tout serait réglé ! »
À l'expression de B, Philémon sut qu'il avait gagné. Après tout, il a pris la peine de nous rassembler dans ce manoir pour nous aider à retrouver le sourire. Il veut nous aider, c'est viscéral pour lui.
« Vous seriez prêts à me le promettre ? demanda B, les yeux brillants.
— Sans problème ! acquiesça Camille. On fera ça pour vous, bien sûr.
— Et si on veut pas ? »
Agnès s'était levée.
« Je veux pas retourner à l'hôpital. Je préfère pas être consciente de ce que je suis et que ma chronologie reste ce qu'elle est. Ou alors, il faut me renvoyer sans souvenirs. Est-ce que je vais avoir l'impression de revivre ma mort, ou pas ?
— Vous allez en effet vous retrouver au début de ce que je vous ai montré sur l'écran.
— Alors c'est non ! Je veux pas passer toute ma vie à me cacher dans ma cellule en ayant la trouille d'aller dans la pièce commune. En plus, si j'ai bien compris, il faudrait que je tue Manon quand même ! Donc je dois me revoir en train de lui enfoncer une cuillère jusqu'à la mort, et ensuite essayer de pas me faire tuer ? C'est débile. Je veux rester ici jusqu'à ce que mon esprit s'efface.
— Je l'accepte. » dit B.
Agnès retomba sur sa chaise, soulagée. Pour moi, ce serait plutôt simple. Ne pas aller à l'hôtel et prendre le premier train pour l'est, par exemple. Strasbourg, comme Camille ! Autour de Philémon, presque tout le monde reprenait espoir.
« Il faut que vous m'appreniez à me battre, demanda Anna. Je ne suis pas capable de me défendre face à mon agresseur.
— Et Lemnos ? demanda Camille. Comment pourrait-il fuir ?
— Je ne dirai rien devant Psamathé et Adelphe, je partirai discrètement pendant la nuit, inventa Lemnos. B pourrait reconstituer la nuit de ma mort. Je pourrais m'entraîner à trouver le meilleur chemin pour ne croiser aucun esclave ni garde !

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B
AdventureDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...