STANISLAS
Stanislas aimait beaucoup dormir : cela lui donnait de nouvelles idées de recettes. Il était cuisinier dans le château de son seigneur, en l'an 1048. Le réchauffement progressif des terres était pour lui une bénédiction. Encore plus de plantes et de bétail en pleine forme pour être servis dans de somptueux festins ! Il n'avait que cela à la bouche : cuisiner, cuisiner, cuisiner.
On lui avait dit que la gastronomie du Moyen-Orient était un délice et qu'il ferait bien de l'imiter, mais il n'avait jamais voyagé... À quoi bon partir si loin alors que la nature française regorgeait de merveilles à faire mijoter ou à mettre au four ? Le regard brillant des convives valait tout l'or et les condiments d'Orient. Enfin, c'est ce qu'on lui avait dit, car il n'allait jamais dans la grande salle de banquet. On lui rapportait les félicitations du seigneur et de ses invités, mais il n'y mettait pas les pieds. Il ne voyait aucun intérêt à se déplacer pour se faire conter ses louanges.
Il n'était pas impossible qu'il n'ait jamais vu le seigneur en personne... Stanislas était plutôt rêveur.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, son esprit était encore empli de ces saveurs enchanteresses, de ces sourires gustatifs, comme il aimait les appeler. Il avait bien envie de tester l'assaisonnement d'une morue non fumée ni salée au jus de bœuf, juste pour essayer. Mais cette recette était a priori impossible à réaliser... Tout d'abord, obtenir une morue fraîche était invraisemblable à l'intérieur des terres. Même sur le littoral, il restait une grande possibilité pour que le poisson arrive dans un état désastreux. Quant au bœuf... Il s'agissait de la viande la plus chère du marché, et même pour un seigneur il était difficile de s'en procurer très facilement. Le cuistot joufflu était le seul à savoir cuisiner du bœuf. Ce mets était si rare qu'ils étaient peu à en avoir ne serait-ce que fait cuire. Comment préparer le jus et le poisson en un temps réduit pour le dîner ? Il avait si envie de tenter cette recette...
Stanislas était allongé sur le sol de pierre. Étrangement, il ne sentait aucune odeur d'humidité. Curieux, pour un lieu qui ressemblait à un château-fort ! Il se redressa et s'adossa contre le mur, bien décidé à comprendre où il était, car ce n'était pas sa forteresse habituelle.
Non, finalement... ça ne l'intéressait pas. Il ne s'était pas beaucoup investi dans sa vie en dehors de sa cuisine. Le dernier grand combat de son quotidien avait été de retenir la date du jour. Enfin... même pas, en réalité, il n'avait appris par cœur que l'année. Peut-être était-il à présent en 1049 et que personne ne l'avait prévenu !
Il voulut se lever mais son gros ventre l'en empêcha. Stanislas se sentait perdu, assommé. Pourtant, il était certain de ne pas avoir bu d'alcool la veille, ce qui était bien logique puisqu'il aimait se coucher tôt pour rêver de nouvelles recettes. Se rendre ivre comme un cochon était contre-productif : les nuits noires ne présentaient aucun intérêt ! Je me demande où sont passés les autres...
« Hugues ? Guillot ? » appela-t-il de sa voix fluette.
Ses deux assistants n'étaient pas là. Légèrement inquiet, il s'appuya sur ses mains et se mit très pesamment sur ses deux pieds. Il posa ses doigts boudinés sur la table qui trônait au centre de la petite pièce et sourit. Il aurait pu reconnaître la substance qui la recouvrait entre toutes. Du gras. Qu'avait-on pu cuisiner ici ? Quels mets de choix étaient sortis de ces cuisines ? Car il s'agissait sans aucun doute de cuisines, le four en attestait. Il fit le tour de la salle en humant l'air, passionné par les odeurs qui avaient pénétré les murs et les meubles.
Stanislas se dirigea vers le four, curieux de savoir s'il restait des aliments à l'intérieur, mais il n'y trouva absolument rien. Dans un placard bien plus grand que ceux du château, il découvrit une sorte de légume ovoïde et bosselé. Nourriture inédite ? Ce lieu mystérieux commençait à lui plaire.

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B
AventuraDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...