PHILÉMON
Philémon était plongé dans un roman. Il avait décidé de passer la journée précédant le tourisme d'Anna à lire tous les livres de Jules Verne à sa disposition. Maurice, que l'auteur avait inspiré pour ses recherches, s'était étonné que Philémon ne le connût pas. Ils avaient ensuite découvert que son premier roman était sorti onze ans après la dernière année dont le gentleman se souvenait.
Philémon s'était immédiatement attelé à Cinq semaines en ballon, désireux de faire plaisir à Maurice et peut-être de découvrir son nouvel auteur préféré. Il ne s'y était pas trompé : Cinq semaines en ballon fut terminé en quelques heures ! Il était allé se coucher puis avait commencé à lire Voyage au centre de la Terre à table, en plein petit-déjeuner. Il ne parvenait plus à s'arrêter.
« Je savais bien qu'il aimerait Jules Verne, Monsieur Chapeau ! s'exclama Maurice en le voyant tremper sa tartine dans son verre de jus d'orange au lieu de son bol de chocolat chaud, captivé par le livre. Regarde où tu mets ton pain, ça va être immangeable.
— Oh ! lança Philémon en reposant sa tartine dans son assiette, confus. Excusez-moi de lire à table, c'est d'une impolitesse...
— Pas grave, dit Camille. De toute façon, on va bientôt partir pour donner des cours de français à Julius, Lemnos et Juka. Continuez de lire, c'est génial de vous voir si passionné ! »
Philémon adressa à ses amis un sourire désolé et reprit sa lecture. Il tenait absolument à savoir ce que Lidenbrock allait trouver au centre de la Terre avant le déjeuner. Julius, Lemnos et Juka disparurent ensuite avec Anna et Camille pour apprendre le français. Philémon resta à table avec Stanislas, trop concentré pour aller s'asseoir sur un sofa. Il mangeait pensivement des morceaux de fruits, les yeux fixés sur son livre.
« J'aimerais bien savoir lire, dit soudain Stanislas.
— Vous n'avez jamais appris la lecture ? s'étonna Philémon avant de réfléchir. Non, bien sûr, seuls le clergé et les plus hauts nobles le faisaient à votre époque. Eh bien, je ne sais pas quoi vous dire. Ce n'est pas facile de lire, et je crains de ne pas avoir assez de talent pédagogique pour vous l'apprendre...
— Je ne vous demande pas de m'aider, le rassura Stanislas. Seulement... pourriez-vous me dire de quoi parle ce livre ? »
Puisqu'il n'avait lu qu'une trentaine de pages, Philémon décida de recommencer du début à voix haute. Stanislas était pendu à ses lèvres, même s'il ne comprenait pas tous les mots du roman. Il ne sait même pas où il habite... Il est difficile pour lui de connaître tout ce vocabulaire qui a dû être inventé des siècles après lui...
Au bout de quelques chapitres, ils furent rejoints par Charles. Le révolutionnaire prit un gros morceau de pain et écouta la suite de l'histoire, mâchant lentement, les yeux perdus dans le vide. Philémon parla des heures, s'arrêtant de temps à autres pour boire un verre de vin. Il avait l'impression d'être devenu son ancienne nourrice. Si seulement elle avait pu lui lire du Jules Verne, d'ailleurs...
En sentant l'heure du déjeuner arriver, Philémon accéléra dans sa lecture. Son débit se faisait de plus en plus rapide. Charles et Stanislas attendaient la fin du roman avec impatience, peut-être même plus que Philémon lui-même. Nok les rejoignit à son tour, guidé par son estomac. Il écouta la fin du roman avec les deux autres, sans faire de commentaire.
Lorsque Philémon referma le livre, la bouche sèche d'avoir tant parlé, Stanislas et Charles l'applaudirent à tout rompre. Le cuisinier lui avoua qu'il n'avait jamais passé un meilleur moment en dehors d'une cuisine.

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B
PertualanganDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...