59. Anna

216 21 12
                                    


ANNA

Le grand jour était enfin arrivé ! Anna avait revêtu la plus belle robe de sa penderie géante. Elle était maquillée à la perfection. Tout devait être impeccable : la visite, sa toilette, le bal pour clôturer la journée. Stanislas avait préparé des sandwiches, d'après ce qu'avait dit Camille, afin qu'ils pussent manger chez François Ier sans attendre d'être servis par les domestiques. Quelle bonne idée ! Nous allons pouvoir nous promener toute la journée sans aucune inquiétude !

Comme pour les journées de tourisme précédentes, chacun avait fait l'effort de s'habiller dans le plus pur style de la Renaissance. Philémon portait un costume bien trop excentrique pour l'époque. Certes, les manches bouffantes étaient à la mode, mais pas en vert et jaune... Le jeune homme se rendit compte du regard inquisiteur d'Anna.

« Oh ! C'est peut-être... un peu trop euh... voyant ?

— Très voyant, confirma Anna. La mode est plutôt au pourpre et blanc, ou bordeaux et blanc. Mais c'est amusant ! Nous ne vous perdrons pas dans la salle de bal ! »

Anna avait décidé de porter une robe aussi bleue que celle qu'elle arborait le jour de son arrivée au manoir. Au moins, la nouvelle n'était pas déchirée ni tachée de terre. Juka semblait toujours aussi empêtrée dans ses vêtements. Anna ne pouvait s'empêcher de penser que les robes en peau de vache lui allaient beaucoup mieux que les habits sophistiqués. Elle était si sauvage... Mince, vais-je être obligée de m'habiller comme elle lorsque nous visiterons son époque ? Elle réprima un frisson, terrifiée de devoir se vêtir comme une sauvageonne.

Lorsque tout le monde fut fin prêt, Anna ouvrit la porte menant à son monde, son univers à elle. Enfin un peu de classe, de luxe, de culture ! Ils arrivèrent immédiatement en face du château de Fontainebleau. Tous étaient bouché bée, même Agnès.

« J'avais jamais vu ce truc en vrai, dis donc... c'est vachement bien ! s'exclama-t-elle avec une pointe de respect. Eh, Stan, t'as pas l'impression que c'est vingt fois le tien, de château ?

— C'est immense ! chuchota le cuisinier.

— Effectivement, c'est magnifique, dit Anna. Je vais vous présenter les environs du château, pour commencer. Suivez-moi ! »

Ils empruntèrent la grande allée encadrée de belles pelouses vertes et fleuries menant au château. Anna expliqua qu'il s'agissait de la Cour d'Honneur. François Ier passait toujours par cette allée lorsqu'il devait s'absenter.

« Toute la Cour est présente sur les côtés pour le regarder lorsqu'il nous quitte, et également lorsqu'il nous revient.

— La Cour ? s'étonna Stanislas. Je croyais que c'était par terre, la Cour. La Cour d'Honneur.

— C'est aussi comme cela qu'on nomme les courtisans, dit Anna avant de se rendre compte que ce n'était pas plus compréhensible pour le cuisinier. Les nobles et les invités de Sa Majesté le suivent toute la journée. C'est une tradition toute nouvelle.

— Et pour quoi faire ? insista Stanislas. Pourquoi le suivre partout ?

— Parce que c'est le roi, intervint Nok. On continue, Anna ? »

L'aristocrate lui adressa un sourire reconnaissant. Il lui avait évité une explication fastidieuse sur la superficialité de son époque. Oui, effectivement, ils étaient toujours comme collés à Sa Majesté. Non, ce n'était pas très utile. C'était même plutôt dangereux : le roi était toujours entouré et risquait des tentatives d'assassinats en permanence. Il en avait peut-être assez d'écouter les histoires sans intérêt que ses courtisans lui racontaient pour qu'on les vît en sa compagnie. Cependant, c'était une habitude que François Ier avait créée pour être respecté. Les nobles passaient leur temps à essayer de lui plaire et un peu moins à comploter contre lui. C'était du moins ce que le père d'Anna lui avait expliqué et elle le croyait sans hésitation ! Effectivement, en augmentant le risque d'être attaqué, François Ier était plus en sécurité. Paradoxal...

BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant