12. Anna *

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ANNA

Anna n'appréciait pas du tout Maurice. Cet homme était froid, arrogant, fatigant. Il lui avait parlé de ses expériences – dont elle se fichait éperdument – et lui avait fait comprendre qu'il n'aimait pas Camille. Il la trouvait grosse et le lui reprochait, ce qui n'était pas du tout l'avis d'Anna. Après tout, cela prouvait qu'elle était en bonne santé, n'est-ce pas ?

Maurice lui avait expliqué qu'il venait de 1949 et était un grand inventeur. Étrangement, elle ne l'avait pas cru. Un créateur, lui ? Il n'était sûrement arrivé à rien. En plus de son absence de gentillesse et de nuance, il avait quitté la France pour un pays de l'Est apparenté à la Russie, si elle avait bien compris. Anna n'avait à présent plus aucune estime pour cet homme. Il avait quitté le Royaume de France pour des raisons ridicules ! On ne fuyait pas son pays, selon elle. C'était la pire des hontes, pire que l'exil car c'était un choix. Et elle ne parlait même pas de ses vêtements ridicules...

Tous ensemble, ils avaient décidé de partir à la recherche d'autres personnes apparues dans le manoir. Lemnos lui avait adressé un regard plein d'angoisse, mais Anna l'avait rassuré par un sourire. Tout allait bien se passer, même si elle ne pouvait le lui dire avec des mots. D'ailleurs, elle avait vu Lemnos discuter simplement avec Camille – se comprenaient-ils ? Anna décida de lui poser la question.

« Excusez-moi, mademoiselle ? »

La jeune fille la regarda avec effarement.

« Y a-t-il... un problème ? demanda Anna.

— Non, je... Enfin..., bafouilla-t-elle en rougissant. Je ne sais pas ce que je fais ici, et... Votre robe... elle est si belle, et vous aussi ! Et vos cheveux, votre maquillage, même votre mouche... Je suis désespérée d'être aussi laide face à quelqu'un comme vous...

— Comment ? Oh ! s'exclama Anna. Non, ma petite, ne pensez pas comme cela. Vous êtes magnifique selon les canons de beauté de mon époque. Quelle est la vôtre ?

— Je ne suis pas belle en 2012...

— 2012, tant que cela... Le monde est devenu idiot, dans ce cas, commenta la jeune femme en haussant les épaules. Vous êtes si mignonne, avec vos taches de rousseur ! Vous êtes jeune ! Vous perdrez un peu de poids plus tard, si cela vous tracasse tant ! Et, en plus de cela... Avec tous les monstres vivant ici, nous allons sûrement devoir courir... Un bon moyen contre les rondeurs ! »

La jeune fille lui sourit avec sincérité, ce qui lui fit plaisir. Elle était heureuse d'avoir pu la rassurer, même s'il était très étrange de consoler des inconnues en leur rappelant qu'elles vivaient dans un endroit insolite et peuplé de créatures mystérieuses.

« Je m'appelle Anna de Viandreux, déclara-t-elle.

— Camille Barnet. Et... votre époque... ?

— 1527.

— François Ier ! dit-elle du tac-au-tac.

— Oui ! s'écria vivement Anna, extatique. Vous connaissez donc toutes les dates ?

— J'étudie la littérature et j'adore l'Histoire. François Ier est incontournable !

— Vous devez savoir tant de choses, murmura-t-elle, surexcitée. Suis-je entrée dans l'Histoire ?

— Peut-être que vous avez fait quelque chose d'incroyable dans un domaine autre que la littérature, et je dois avouer que je ne connais pas bien le reste...

— Ne vous inquiétez pas, je saurai lorsque je le vivrai. Je suis persuadée que nous rentrerons tous chez nous. C'est amusant, vous avez les mêmes réticences à me répondre que Philémon ! »

BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant