JULIUS
« Donne-moi cet osselet, Honorius ! Sidonius, ne t'approche pas de la table !
— Mais papa, il y a des fruits dessus ! »
Julius sourit, attendri. Ses fils grandissaient à vue d'œil. Du moins, cette image de mes fils. Une création du maître des lieux pour son plaisir personnel.
Après avoir regardé le film avec tous les autres, Julius était retourné dans sa villa. Les maîtres n'étaient censés aller dans leur villa de campagne que très rarement, pour de courtes fêtes ou pour vérifier que l'intendant faisait bien son travail. Julius, cependant, affectionnait tant la tranquillité de ces lieux qu'il y passait presque tout son temps. Il n'en sortait que pour prendre un cheval pour Rome. Manquer les courses de chars n'était pas acceptable !
« Papa, on est où là ? demanda Sidonius en cessant d'escalader la table. Pourquoi il y a une nouvelle porte ?
— C'est normal, mon fils, répondit Julius avec bienveillance. Cette porte permet à papa de retourner chez lui.
— Mais c'est ici chez vous, papa ! rétorqua Honorius en lâchant son osselet. Je veux aller voir dehors aussi !
— Non, tu resteras dans cette villa. Tu peux aller voir la vigne et le jardin, mais pas ce qu'il y a derrière cette porte.
— Julius, intervint B. Ce n'est pas très grave s'ils voient ce qu'il y a de l'autre côté, ils ne sont pas réels.
— Je ne vous ai rien demandé. » répliqua Julius.
Il éloigna ses deux enfants de la porte et les mena dans la grande salle principale.
« Allez. Jouez sur la mosaïque, jouez aux couleurs. »
Julius avait fait transformer la mosaïque du sol de la pièce d'entrée pour que les jumeaux puissent s'amuser avec les motifs. Leur jeu favori consistait à marcher sur tous les carrés de même couleur en sautillant d'un endroit à un autre. Si par malheur l'un des jumeaux posait le pied sur une case de la couleur choisie par son frère, il recevait un gage. Honorius annonça qu'il n'allait marcher que sur du jaune et Sidonius choisit le brun. Julius les regarda jouer quelques minutes, ému de revoir ses deux têtes blondes. J'ai l'impression de ne pas avoir vu ça depuis des années... le temps passe si lentement, ici.
Il aurait voulu être renvoyé chez lui, certes, mais l'acharnement du maître des lieux à vouloir les tenir à l'écart du monde réel l'inquiétait au plus haut point. Peut-être serait-il poursuivi par des puissances obscures qui mettraient ses fils en danger s'il décidait de braver l'interdiction ! Il ne pouvait se permettre de prendre ce risque.
Julius ne savait même pas combien d'heures il était capable de passer à contempler ses enfants. Cette furie de prostituée qui avait absolument tenu à le remercier pour ses nombreuses offrandes de nourriture lorsqu'elle croupissait dans les rues de Rome avait finalement été une bénédiction dans sa vie. Lorsqu'elle l'avait à nouveau accosté à la sortie d'une course de chars pour geindre qu'elle ne savait comment s'occuper de sa progéniture, Julius avait pris les jumeaux sous son aile. Il avait bien vu dans ses yeux qu'elle n'en voulait pas, de toute façon. Anna pouvait bien écarquiller les yeux et pousser des cris d'orfraie, il savait ce qu'il avait fait. Il n'avait pas volé ses enfants. Les autres n'avaient pas à connaître sa vie en détail. Seul Lemnos le méritait, éventuellement.
Lorsque ses enfants s'effondrèrent sur la mosaïque, épuisés d'avoir tant chahuté, Julius éclata de rire.
« Alors, qui a gagné cette fois-ci ?

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B
PrzygodoweDouze hommes et femmes se réveillent dans une sorte de manoir dont les pièces changent selon le bon vouloir d'un maître des lieux capricieux, dont les objectifs ne semblent pas... limpides. Après quelques quiproquos, les nouveaux "...