100. Maurice

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MAURICE

Moscou, 3 septembre 1949 ap. J.C.

Maurice ouvrit les yeux. Il se trouvait devant l'université de Moscou, comme si rien ne s'était passé. J'ai vécu des semaines, peut-être des mois dans une réalité virtuelle... Il baissa la tête et se regarda du torse aux pieds. Sa chemise blanche, ses pantalons trop courts, ses sandales... tout était là. La pluie aussi, d'ailleurs.

Un étudiant faillit le bousculer et s'excusa. Chaque type que je croise pourrait avoir son destin dévié à cause de moi, je dois faire attention. Maurice tressaillit et s'engouffra dans le hall. Il grimpa les escaliers, le cœur battant. Galina était assise devant des dossiers à trier. Comme d'habitude. Une journée normale.

« Tout va bien, Monsieur Lalie ? »

Son accent... J'ai l'impression de vivre un rêve. C'est ma seule chance, je ne dois rien rater !

« Euh... oui, bien sûr ! » répondit-il.

Il ôta son chapeau et le jeta dans un coin du laboratoire avant de s'atteler à sa tâche principale : préparer du gaz lacrymogène. Maurice passa en mode automatique. Ses mains fonctionnaient toutes seules. Lorsque le gaz fut fin prêt, il revêtit un masque. Reste calme. Il entendit le claquement de la gifle administrée à Galina et prit une longue inspiration. Les soldats soviétiques ouvrirent la porte et le scientifique jeta son récipient sur le sol.

Je dois sortir et prendre le premier train vers le sud-est ! Maurice repoussa les Soviétiques qui toussaient bien trop fort pour tenter de lui tirer dessus et referma la porte du laboratoire à clé. Ils défonceront la porte facilement, mais je ne peux pas prendre le risque d'être rattrapé trop vite. Il jeta son masque par terre et se retrouva face à Galina.

« Vous êtes vivant ! s'exclama-t-elle, les larmes aux yeux et une grosse marque rouge sur la joue.

— Je... Venez avec moi, Galina ! » lui ordonna-t-il, pris d'une inspiration soudaine.

Elle lui tendit la main, le regard plein d'espoir. Maurice songea alors que B lui avait expliqué que Galina n'avait jamais trouvé l'amour après sa disparition. Je peux l'emmener. Peut-être qu'Anna avait raison et qu'elle a une sorte d'affection pour moi, mais dans le cas contraire... Et si elle se mariait parce que je ne suis pas mort ? Peut-être que le triste souvenir de Maurice lui avait donné envie de rester seule. S'il ne représentait plus aucun événement déprimant pour Galina, qu'allait-il se passer ?

Maurice prit la main de la secrétaire et lui fit dévaler les escaliers. Sous la pluie moscovite, il décida de ne plus hésiter. Après tout, ce qu'il faisait à partir de maintenant n'était plus que du bonus. Pourquoi avoir peur ?

« Est-ce que vous m'attendiez, Galina ? Est-ce que... vous m'aimez bien ? »

Galina rougit d'une teinte encore plus foncée que sa robe écarlate.

« Vous avez un bel accent. » murmura-t-elle pudiquement.

Maurice n'en demandait pas plus.

Ils coururent jusqu'à l'appartement du scientifique en ne croisant aucun soldat. Galina l'aida à prendre quelques vêtements destinés à les protéger de la pluie.

« Désolé pour le désordre, s'excusa-t-il.

— C'est bien pire chez moi. » avoua Galina en éclatant de rire.

Elle était si belle, les cheveux trempés, les yeux brillant d'excitation !

« Prenez votre manteau, nous partons à l'aventure ! » s'écria-t-elle, folle de joie.

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