|-Chapitre 49-|

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_.Chapitre 49._

J'ai discuté toute la soirée avec ma mère sans jamais mentionner la directrice ni ses frasques mesquines.
Ça fait du bien de partager un moment avec elle, sans personne pour nous interrompre.
Elle me sert dans ses bras sans réduire la force de cette étreinte en me chuchotant des mots pour me rassurer et en me racontant les ragots qui courent chez nous.
— Tu parles toujours avec Kris ? Me demande-t-elle.
Je hoche la tête en souriant idiotement.
— Oui, il m'a beaucoup aidé à surmonter la rentrée. C'est un vrai ami, lui dis-je.
Je fixe mes chaussures en tirant sur le bout de mes doigts, je ne suis jamais à l'aise pour réellement parler de ce que je ressens, même avec ma mère.
J'ai fait un effort surhumain pour me confier à Phil et Dustin à propos de ce que je ressentais pour Grant et même si nous ne faisons que parler de mon meilleur ami avec ma mère, elle sait qu'il compte beaucoup pour moi mais d'une certaine manière je n'ai pas envie que l'on s'en aperçoive. Il le sait et c'est le principal, le reste du monde n'a pas besoin de le savoir, je suis très réservée au niveau sentimental et c'est un peu étrange de le dire même pour mes parents.
Je suis proche de mes parents et je devrais faire comme tout le monde, comme je le faisais avant, me confier par exemple à ma mère qui pourra me conseiller pour mes peines de coeur mais le problème est que je n'ai jamais pris ce réflexe.
Depuis qu'elle a trouvé ce poste d'assistante au Conseil, je ne la vois plus.
Alors quand elle rentrait à la maison, je n'allais pas lui raconter mes peines pour gâcher le peu de temps que nous avions ensemble, je gardais tout pour moi et je continue de le faire.
C'est sûrement blessant pour ma mère de voir que sa fille ne veut même pas se confier à sa propre mère mais c'est aussi un peu de sa faute.
– Je me rappelle, me dit-elle soudainement, quand tu faisais rentrer Kris par ton balcon et que vous dormiez pendant les grandes vacances quand on t'interdisait d'aller dormir chez lui parce qu'on ne te voyait plus. Tu pensais être discrète ce n'était pas le cas. Puis aucun de vous deux n'avez juger bon de se réveiller avant nous pour éviter qu'on vous surprenne en train de dormir.
Je souris face à ce souvenir.
C'était avant qu'elle accède à son poste au Conseil.
Mes parents jugeaient que je passais plus de temps avec Kris qu'avec ma propre famille, alors ils m'avaient interdit de dormir chez lui. Nous étions jeunes, je crois que nous avions 10 ans alors le fait qu'il soit un garçon ne posait pas réellement de problème.
Mais cette nuit là, il y avait notre film préféré à la télévision.
C'était un de nos rituels d'enfants, vous savez ce genre de promesses idiotes que nous faisions dans la cour de récréation en disant : «croix de bois, croix de fer, si tu mens tu vas en Enfer» ou encore «Jurer, cracher».
C'était tellement enfantin mais ça rendait notre amitié plus forte d'une certaine manière.
Et nous nous étions fait la promesse de seulement regarder ce film quand nous étions ensemble. Oui, ridicule je vous l'accorde.
Et cette nuit là il le passait à la télévision, c'était pour ça que je voulais dormir chez lui mais mes parents ont refusé car ils trouvaient que c'était inutiles mais pour une enfant quand on fait une promesse on la tient.
Je l'ai tenu et Kris était venu.
J'étais consciente que mes parents nous entendaient mais je n'en avais rien à faire, j'avais tenu ma promesse et j'avais mon ami avec moi.
Quand fut l'heure des histoires de cœurs, je restais toujours isolée pour éviter d'avoir le cœur brisé comme la plupart des filles de mon âge et mon père me soupçonnait secrètement d'aimer Kris. Bien entendu, ce n'était pas le cas, je regardais juste Kris devenir plus charmeur avec les années mais il n'y a jamais eu une sorte de compétition où je ne sais quoi, il a joué le rôle du frère bienveillant mais bien sûr je suis tombée dans les filets de l'amour.
C'est encore une fois Kris qui m'a aidé à me relever et il ne m'a jamais jugé, j'étais sûr qu'il n'irait pas se moquer dans moi dans mon dos, une qualité que de nombreuses filles n'ont pas de nos jours.
C'est sûrement pour ça que je suis restée depuis mon plus jeune âge avec lui, fuyant les filles qui ne devenaient que des pestes après l'âge de l'insouciance passé.
Mais bon, tout ça c'est de l'histoire ancienne et je devrais plutôt m'occuper de ma mère au lieu de replonger dans mes pensées mélancoliques.
— Ce que je me rappelle c'est que le lendemain j'ai souffert le martyr, lui dis-je en la fusillant du regard.
Elle ricane amusée par ma réaction puis passe son bras sur mes épaules.
— Et tu t'es fait des amis ici ? Me demande-t-elle.
Je hoche la tête.
— Deux garçons pour ne pas changer, lui répondais-je en jaugeant son expression faciale.
Elle secoue la tête puis recule de quelques pas.
— Ils sont gentils avec toi j'espère ? S'inquiète-t-elle.
— Ne t'en fais pas, c'est plutôt eux qui ont marre de moi, ricanais-je.
Elle glousse avant de baisser son regard et de tendre ses mains vers ma robe.
— En tout cas tu es ravissante, me confie-t-elle.
Je lui souris et la remercie.
— C'est Grant qui me l'a offerte, lui avouais-je.
Son sourire amusé s'accentue à l'entente de ce prénom.
Je lève mon doigt pour la stopper puis la préviens :
— Aucune remarque gênante ne sera tolérée.
Elle éclate de rire puis lève les mains en signe de défaite :
— Bien, mais tu me tiens au courant, je veux savoir si j'ai besoin de m'inquiéter ou non sur une probable hypothèse que je devienne mamie.
Je lui fais une moue dégoûtée puis secoue la tête de désapprobation.
— C'est dégoûtant, comment tu peux parler de ça aussi naturellement, m'exclamais-je en réprimant un rire.
Une petite vibration coupe ce moment de retrouvailles.
Elle extirpe un téléphone et son sourire s'évanouit.
— Le devoir m'appelle, me dit-elle en brandissant son portable.
Je tente de cacher ce que je ressens.
Je me racle la gorge et prends une gorgée d'air.
— Ça m'a fait du bien de te voir, lui dis-je pour conclure ce moment.
Elle hoche la tête et ouvre ses bras pour me prendre dans une accolade.
Je me réfugie dans ses bras pour profiter de ses dernières minutes de calme.
— Comment va papa ? Lui demandais-je.
A l'entente de ma question, elle se fige quelques instants.
— Hum, je n'ai pas vu récemment ton père, me confie-t-elle.
Je fronce les sourcils face à sa déclaration.
— Comment ça ?
— Eh bien, j'ai été très prisé au travail et j'ai en quelque sorte pas pu rentrer à la maison depuis quelques temps, me dit-elle en hésitant.
Elle sait à quel point je déteste la place que prend son travail dans sa vie.
Je lâche ma mère et la salue une dernière fois avant de me diriger vers la grande porte d'entrée.
J'ai besoin de fumer, surtout depuis que Grant m'a proposé de m'en tirer une.
Je traverse rapidement le jardin pour regagner la cabane.
La robe ne me permet pas d'avancer aussi rapidement que je le peux et j'ai du mal à escalader le mur de la cabane.
Lorsque j'arrive enfin sur le toit, Grant tourne sa tête vers moi et me fait un sourire.
Je le lui rends et m'installe à ses côtés.
Il me tend sa cigarette et je l'attrape avant de tirer une taffe.
— C'était bien avec ta mère ? Me demande-t-il.
Je hoche la tête en recouvrant mes jambes avec la robe car le vent froid ne me permet pas d'ignorer la température extérieur.
— J'avais l'impression qu'il n'y avait que nous, jusqu'à ce que le téléphone sonne, lui dis-je en tournant ma tête vers lui.
Il m'écoute attentivement.
— Tu te rends compte que la plupart de mes souvenirs sont les moments passés avec mon père, continuais-je.
— Elle travaille trop ? Me demande-t-il.
— Pas trop, elle vit en travaillant, en un mois je la voyais en moyenne 4 ou 5 jours je pense. Elle n'a pas d'équilibre et d'un côté tu sais je m'en fous, mais ça me fait peur de me dire que vivre sans ma mère m'est égale. Seul un monstre peut dire une chose pareille et pourtant je le pense réellement, je pourrais me passer de ma mère. Les seules souvenirs qui m'empêche de faire une inconnue c'est la période où j'étais petite ou alors ce que mon père m'a raconté d'elle, lui racontais-je.
Le vent me chatouille et fait valser mes cheveux alors que je laisse la nicotine s'insinuer dans mes poumons, me réchauffant de l'intérieur.
— Je me sens un peu minable avec ma famille normale en faite, ricane-t-il.
Je souris.
— Tu ne m'as jamais dit pourquoi tu travailles ici, lui fis-je rappeler.
Les traits de son visage sont accentués par la lumière de la Lune, le rendant vraiment séduisant je ne peux le nier.
— Une façon de remonter dans l'estime de certaines personnes, me répond-il.
Je fronce les sourcils.
— Comme qui ?
— J'ai pas vraiment envie d'en parler maintenant, m'avoue-t-il en me tendant sa cigarette.
Je plonge mon regard dans le sien et lui fais un faible sourire qu'il me rend alors que j'apporte la clope à mes lèvres.
— Tu es consciente que notre amitié n'est pas normal ? Me dit-il.
Ma gorge se sert en entendant ce qu'il vient de dire.
Des souvenirs du week-end dernier me reviennent en mémoire, la façon dont il m'a dit que lui est moi c'était tout simplement impossible.
— Pourquoi tu dis ça ? Lui demandais-je en voulant jouer l'innocente.
Il se penche vers moi et attrape mon menton pour rapprocher délicatement ma tête de la sienne.
Mon souffle se bloque alors que je n'arrive pas à détourner le regard de ses orbes noires.
— Ça se voit tout simplement, et tu le sens aussi, me susurre-t-il avant de lâcher mon menton.
Je déglutis en regardant son visage s'éloigner.
Il me fait un sourire avant de tourner sa tête vers les constellations.
Prochain chapitre : Le week-end prochain

Wesley GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant