À la sortie du café le froid s'empresse de me mordre la peau, je me serre fort dans mon monteau noir et avance sur le trottoir moyennement plein, Cameron à mes côtés reste silencieux, au moment de payer les consommations je voulais ouvrire mon porte feuilles mais le regard qu'il me jetta en prennant le sien voulait tout dire.
Connard gentlemen , mais surtout connard ! Le voilà maintenant à côté de moi une cigarette déjà postée au bord des lèvres.
- Dit Cameron , l'interrogeais-je en fixant son profil parfait.
- Ehem ? Répondit-il simplement.
- Si je te demandais pourquoi tu m'as dit cette phrase avant de partir de chez moi ce soir-là, tu m'expliquerais? Tenté-je timidement connaissant parfaitement ses réticences à approfondir ce qu'il dit.
Il fronce les sourcils, lève la tête en l'air et rejette la fumée dans un gros nuage qui s'en va au rythme de nos pas.
- De quelle phrase tu parles?
- De la pseudo mise en garde à propos de Carter , lui répondis-je en continuant à le fixer.
Cette fois, il rejette de nouveau la fumée et se retourne pour à son tour me fixer.
Je me hérisse, je n'aime pas la façon dont ses yeux glissent sur mon visage, je n'aime pas l'énergie et l'intelligence qui pétillent en binôme avec la malfaisance dans ses pupilles, je n'aime pas le goût de l'interdit qui plane toujours en sa présence écrasante, et le comble c'est que je sais qu'il le ressent aussi.
- Pourquoi? Tu l'as prise en considération? Me lance-t-il amer et hautement sarcastique.
Sa question était rhétorique, il connaît la réponse, évidemment.
- Non mais, commencé-je.
- Alors ferme la et ne me casse pas la tête, me coupe-t-il en jetant sa cigarette revenant à cette ancienne version de lui .
À la fin du trottoir nous bifurquons vers une place habituellement verdoyante et chaleureuse, propice aux balades et aux rendez-vous de tout genre, aux joggings matinaux ou nocturnes, ainsi qu'aux activités diverses . Mais en cette saison féroce, les quelques piétons emmitouflés dans leurs manteaux ou doudounes ne font que le traverser à la hâte, trottinant pour s'éloigner de ce froid crochus.
Je barre le passage à Cameron et lui fait face pour qu'il arrête de marcher.
- Mais tu n'as pas le droit de me dire une chose pareille! Surtout sans preuves , je te rappelle que c'est de Carter qu'on parle, tu me demandes de te croire toi au lieu de croire mon petit ami? C'est insensé.
Il me fixe, avec son regard imperméable, les vents peuvent hurler autour de nous, mais les yeux de Cameron ne soufflent même pas d'une légère brise d'émotions, serait-il mort ?
- Si tu ne me croyais pas, tu ne serais pas là devant moi, à me demander des explications, Okdalina.
Mon prénom tombe à la fin de sa phrase, je ne l'ai jamais vraiment entendu m'appeler par mon prénom d'une façon aussi nette.
Mais pour être tout à fait honnête ce qui me dérange ce n'est pas mon prénom ni quoi que se soit d'autre, c'est simplement qu'il a raison.
Pourquoi je lui demande si je suis aussi sûr de moi.
- Tu vois c'est ça le problème avec vous, commence-t-il en faisait un pas vers moi, les mains dans les poches de mon manteau je le regarde vers le haut comme prise en cage , vous passez votre temps à juger, à parler, à poser des questions, mais vous n'écoutez jamais et ne voyez rien !
Ses mots semblent vouloir dire beaucoup, comme à chaque fois qu'il ouvre la bouche, si il y'a bien une personne qui ne parle pas pour ne rien dire c'est bien lui. Mais malheureusement, trop de codes, trop de sous-entendus, pour une personne telle que moi, habituée à la simplicité et au langage cru.
Les secrets, les énigmes, les découvertes, c'est peut-être leurs quotidiens, mais moi je me perds , et parfois même si je suis prise d'envie de leur hurler de dire ce qu'ils pensent tous une bonne fois pour toute.
- Mais je t'écoute, c'est juste que...
- Tu crois? Me coupe-t-il en haussant les sourcils.
Je soupire, frustrée, pourquoi tout est tellement compliqué avec lui en particulier?
Il me contourne et s'avance dans le petit parc, il respire un bon coup puis se retourne, pose ses yeux un moment sur moi pour soudain se retourner et se diriger du côté inverse.
Il se bloque à quelques mètres plus loin de moi, il se retourne un sourire inexpressif sur les lèvres et lâche :
- Souhaite lui bonne chance, finit-t-il avec un sourire sans joie en me faisant un clin d'œil.
Mon esprit fait un tour rapide pour comprendre mais je ne tarde pas à saisir qu'il fait référence au match qui aura lieu au lycée pendant les vacances de Noël, pour continuer le tournoi de basket entamé que l'équipe de Carter semble bien partie de reporter.
Donc si je comprends bien, même si les shadows sont vraiment les seuls à être absent à ces matchs, et que les frères McColt ne s'accordent même pas un regard l'un à l'autre, il semble quand même assez bien informé.
Lorsque je réalise que Cameron venait de me dire ça, mon sang fait une danse le long de mon corps, et semble se bloquer pour comprimer mon coeur, une tristesse sans nom s'empare de moi et je reconnais le picotement familier des larmes au bord des yeux.
N'est-ce pas triste de vivre près d'un être cher et de ne pas pouvoir lui adresser la parole, momentanément je sentis que Carter voulait forcément parler de Cameron lui aussi, mais le goût amère que le passé lui a laissé l'en empêche, quel dommage.
Lorsque je le vois s'éloigner je fis un pas en avant et l'interpelle, il se retourne complètement vers moi.
- Je suis vraiment désolée, lâche-je la voix gonflée d'émotion.
- Pour ? Hausse-t-il un sourcil au-dessus de ses pupilles perçantes.
- Pour toi et ton frère, c'est vraiment...dommage , fini-je dans un soupir.
Un rire sans joie comme il a l'habitude d'en lancer suit ma phrase, un éclair que je ne comprend pas, traverse son regard.
- Ne t'excuse pas petite, commence-t-il d'un ton partagé entre une mélancolie médiocrement perceptible et une tristesse virilement dissimulée.
Ensuite tout en marchant à reculons il ouvre grand ses bras comme on réceptionne un câlin l'espace de quelques secondes.
- C'est moi le méchant de l'histoire, fini-t-il en les laissant retomber le long de son corp
Son grand et large dos me fait face à nouveau et sa silhouette sombre, s'enfonce dans la densité de la rue d'en face, et disparaît comme il est arrivé , comme à chaque fois.
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Vos promesses : Hésitation
Teen FictionTout le monde ici savait, tous, étaient liés par cette histoire, ce passé, ce secret, chacun sa version et chacun sa vision, tous, sauf elle . Okdalina ne se doute pas que son arrivée dans cette nouvelle ville va tant la changée, tant lui a...