Prologue

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Février 2022


Laissant la pharmacie derrière moi, j'enfonçai mon bonnet sur mes cheveux détachés et me mis à courir pour remonter la rue de Rennes.

Le ciel était d'un gris maussade et le froid de cette après-midi d'hiver me mordait les joues. Mes bottes s'enfonçaient avec un bruit mat dans la neige noircie, et la buée formée par mon souffle se volatilisait, à peine formée, sous mes yeux. Arrivée devant le cinéma, je fis un dérapage contrôlé et m'arrêtai juste devant les filles, essoufflée.

─ Hé, lançai-je, pliée en deux, les mains sur les genoux. Désolée d'être en retard !

─ T'inquiète pas, ça va, dit Lisa avec un sourire. On vient à peine d'arriver nous-mêmes. Respire !

Je me redressai en faisant la grimace. J'avais un point de côté.

─ Je vois que Sora n'est pas encore là, fis-je, ça me laisse le temps de me remettre.

─ Heu, Dani... Soraya ne viendra pas, dit Magali, l'air embarrassé.

Elle avait parlé à toute vitesse, comme si elle avait hâte de se débarrasser de l'information. Je l'observai fixement, sa chapka de traviole sur sa tête, son écharpe grise assortie. Son nez était tout rougi par le froid.

─ Elle ne vient pas parce que tu lui as dit que moi je venais, c'est ça ? demandai-je très doucement.

─ Oh, ma Dani... je suis désolée que vous soyez en froid comme ça... j'aime pas ça, tu sais bien... réconciliez-vous...

Magali avait les larmes aux yeux. L'irritation m'envahit, comme à chaque fois que je pensais à Soraya, et je détournai le regard.

─ Non, c'est bon, dis-je avec un haussement d'épaules. Tant pis. Allons-y, les pubs ont déjà commencé.

Je glissai un bras sous celui de Magali, l'autre sous celui de Lisa, et nous passâmes les portes du cinéma. A l'intérieur, il faisait agréablement chaud. Je retirai mes gants.

Nous payâmes nos tickets et de quoi grignoter et trouvâmes trois places parfaites au milieu de la salle.

Les pubs défilaient sur l'écran géant. Plusieurs personnes consultaient l'écran de leur portable, tandis que d'autres attaquaient déjà leur seau de pop-corn. Magali et Lisa papotaient, mais, plongée dans mes pensées, je ne me mêlais pas à la conversation.

J'étais super – mega – stressée.

Un million de questions dans ma tête, minimum.

Soraya... Alessio... Le dîner de la semaine prochaine... Ma réunion avec les investisseurs de Guiomar... et surtout...

Au bout de quelques minutes, n'y tenant plus, je me penchai vers les filles.

─ Je reviens tout de suite, leur glissai-je. J'ai... un coup de fil à passer.

─ Maintenant ? Mais tu vas rater le début... !

─ Je sais. Je fais vite.

Je me levai et remontai les marches quatre à quatre. Une fois dans le couloir, je marchai d'un pas décidé vers les WC.

En entrant, je vis qu'il n'y avait personne, ce qui m'arrangeait bien.

Je me regardai dans le miroir. J'avais les yeux brillants, les joues encore rougies par le froid de février, à moins qu'il ne s'agisse du chauffage de la salle.

Un peu plus tard, assise tout habillée sur le couvercle de la cuvette, je lisais d'un œil distrait les inscriptions taguées sur le mur de ma cabine.


« Sabine, je te kiff », « Damien est le meilleure » et autres « Julien, enculé ».


Poétique. Très distrayant. Beaucoup de fautes d'orthographe, en tout cas.

─ Allez, finissons-en, marmonnai-je.

D'un geste désabusé, je retournai le test pour lire le résultat.


« Enceinte ».


Mon cœur s'arrêta.

─ Oh la vache ! murmurai-je.

Alors c'était bien ça.

Les seins lourds et tendus, les tiraillements dans le bas-ventre, le retard de règles... une joie immense, incommensurable m'envahit, immédiatement suivie d'un sentiment de profonde incrédulité.

Puis de franche panique.

Bordel de merde j'étais enceinte !

Alessio.

Comment allais-je annoncer ça à Alessio ?!

... il allait être furieux. Pire que ça, même.

Fou. De. Rage.

Merde.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant