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Daniela


Même dans la semi-pénombre, je le vis rougir. Je le sentais embarrassé, brusquement. Etait-ce parce que tout l'été, je l'avais vu porter exclusivement ─ fidèlement ? ─ la petite Casio rouge que je lui avais offerte pour ses dix-huit ans ?

Je n'étais pas bête. Je comprenais bien qu'il doive porter celle-ci.

─ C'est un cadeau de Chloé ? demandai-je, curieuse des détails.

Il opina.

─ C'est joli, fis-je, mi-figue mi-raisin. Elle a du goût.

─ Ca va, dit Alessio d'un ton signalant qu'il n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet, mais pour une raison obscure, j'insistai :

─ Ca a l'air cher.

Alessio haussa les épaules, l'air las.

─ Ca l'est sans doute.

─ Sa famille est si... enfin... Sa famille n'a pas l'air d'être dans le besoin.

Il hésita avant de répondre.

─ Chloé travaille, elle gagne bien sa vie... elle va hériter de tout ça un jour, mais elle me fait des cadeaux avec son propre argent. Elle est comme ça, elle adore ça, c'est sa façon de montrer son affection. De toute façon je l'épouse elle, pas sa famille.

─ Quand on se marie, on épouse toujours la famille, répliquai-je, docte.

Alessio ne répondit pas. Je reportai mon attention sur les pubs défilant sur l'écran géant.

─ Je ne suis pas avec elle pour son fric, précisa-t-il enfin. D'ailleurs, elle ne débourse pas le moindre centime quand on est tous les deux, Chloé.

Son ton était neutre, mais je le sentais blessé.

─ Je sais que tu n'es pas avec elle pour son argent, dis-je doucement. Je crois que tu m'as dit qu'ils avaient des domestiques, dans leur résidence. Est-ce que vous aurez des domestiques chez vous aussi ?

─ Eh bien, je ne sais pas, dit Alessio, le ton quelque peu surpris. C'est drôle, on n'en a pas parlé. Personnellement, je n'en veux pas, mais Chloé y est habituée et je pense que c'est normal de respecter la façon dont elle a été élevée. Après, c'est quelqu'un qui n'a pas peur de mettre la main à la pâte. Quand elle passe chez moi, elle remet parfois de l'ordre et on cuisine ensemble, etc.

Je ne voulais pas trop penser à ce « etc ».

─ Et toi, tu prendrais quelqu'un, si tu pouvais ?

─ Je ne pense pas, dis-je. Y'a plein de personnes qui ont des employés au Brésil mais je crois que je ne me sentirais pas autant la maîtresse de maison si je faisais la même chose. Je vais travailler quoi qu'il arrive, j'aime trop ça, mais quand j'aurai des enfants, j'ai l'intention d'être assez traditionnelle. Cuisiner, tenir la maison, passer beaucoup de temps en famille... je sais que ça me plairait. Enfin, ça me rendrait heureuse, quoi.

─ Ca te ressemble bien, tout ça, c'est vrai.

─ Et... tu trouves ça bizarre ? Vieux jeu ?

Alessio parut surpris.

─ Oh, non. Je trouve ca cool que tu saches ce que tu veux. Que tu sois aussi impliquée. J'aime bien ce côté de toi...

Ca aurait dû me laisser indifférente, mais, en fait, j'étais rassurée qu'il ne me rie pas au nez.

Je lui souris.

─ J'ai toujours admiré la façon dont ma grand-mère a tenu son foyer, expliquai-je. J'aimerais être capable d'en faire autant. Elle m'a beaucoup appris.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant