Le Versant du Soleil (HB tome 3)

12

Daniela

─ Et donc, ton groupe jouait aux Pays-Bas, dernièrement, c'est ça ? demanda Paul à Livai, l'air impressionné.

Il s'exprimait dans un anglais hésitant. Les langues étrangères n'étaient pas son fort, et je crois qu'il en avait un peu honte. A cause de certaines difficultés, Paul avait arrêté ses études à la première année de fac. Il s'était lancé dans le monde du travail avec son bac en poche et beaucoup de détermination, et avait commencé en tant que barman au Kaziski Jolie.

─ Yes, confirma Livai. On fait un breakbien mérité, et ensuite, on va se produire ici, en France, puis au Portugal, and Spain, Italia...

Chassant un moustique vrombissant, Paul ouvrit des yeux ronds.

L'air du soir était encore chaud, et la nuit tombée depuis peu ; les grillons stridulaient en arrière-plan. Soraya avait allumé l'éclairage extérieur qui nimbait le jardin et la piscine d'une douce lumière ambrée.

─ Ah ouais, quand même ! siffla Paul, impressionné. C'est sérieux !

─ T'as commencé à quel âge ? demanda Antoine timidement.

─ Nineteen years old, répondit Livai avec un clin d'œil, et il passa la main dans ses cheveux blonds. Ca fonctionnait pas, au début, mais on a persévéré and some good label a fini par nous faire signer... il faut toujours croire en ses rêves, mate !

─ Et ça fait combien de temps que tu es avec Dani ? demanda Yoann.

Livai m'enveloppa d'un regard câlin.

─ Ah, ça, un autre rêve... qui dure depuis trop peu de temps, répondit-il.

Usant du bras qu'il avait posé sur mes épaules, il me ramena tout contre lui pour m'embrasser sur le nez.

Par-dessus la table de jardin, je croisai le regard d'Alessio. Il expira la fumée de sa cigarette, maintenant le contact visuel. Son visage était inexpressif ; j'aurais été bien en peine de deviner ses pensées. Je réalisai brusquement que je ne l'avais pas entendu décrocher un mot depuis qu'on était rentré à la Terrasse, en fin d'après-midi.

Tout le monde posait des questions à Livai, ce qui me faisait plaisir. Mais pas lui. C'était à peine s'il l'avait salué, tout à l'heure.

Un « Bonjour » plus froid que poli.

Je me sentais un peu mal à l'aise, malgré le fait que nous essayions d'être des amis à présent. On avait tiré les choses au clair, c'était bien. Cependant, j'avais l'impression confuse qu'il m'en voulait de la présence de Liv...

Ce qui n'allait pas trop dans le sens de l'amitié susmentionnée.

─ En tout cas, j'ai jamais entendu ta musique, dit Paul.

─ Pareil, renchérit Antoine.

─ Quoi ? s'offusqua Livai, l'air proprement insulté. Shame on you ! C'est la meilleure, there's nothing like it.

Comme tout musicien, il était très fier de sa musique.

─ Je vous fais écouter ça demain.

─ Pourquoi pas ce soir ?

Repoussant ma chaise, je me levai, et, tirant Livai par la main, je lançai aux autres :

─ Non, pas ce soir, les gars.

Antoine émit un petit sifflement.

─ Houuuu, fit Jules d'un ton entendu. Vous montez si tôt... ? On a compris. Amusez-vous bien, les amoureux ! Et pas trop de bruit, si possible...