Le Versant du Soleil (HB tome 3)

23

Alessio

On prépara nos affaires, et on partit, mettant le cap dans la direction opposée à la rivière.

─ T'y es allé souvent, à ce fort ? demanda Dani.

Nom de Dieu, elle s'adressait à moi.

─ Ouais.

Je ne dis rien d'autre.

─ La vue de là-haut doit être magnifique.

─ Ouais.

─ C'est loin ?

─ Ouais.

J'avais conscience d'être désagréable, du fait aussi qu'elle ne devait rien comprendre à mon comportement, mais c'était plus fort que moi. J'étais en colère. Contre elle, contre moi. Je n'avais pas très envie de parler, ce qu'elle comprit, bien sûr. Ralentissant le pas, elle me laissa seul pour retrouver Magali, qui peinait à l'arrière. Je les entendis rire.

Il faisait très chaud ; Magali arborait un chapeau de paille, Antoine, un fedora, Dani et moi, des casquettes. Pendant une bonne demi-heure, on monta en silence, économisant notre souffle.

Le chemin en pente douce était parsemé de petits cailloux blancs et bordé d'arbustes d'un vert éclatant. C'était vraiment un coin désert. La campagne. Les insectes bourdonnaient dans l'air lourd de l'après-midi.

Et puis, quelques bâtiments en ruines apparurent.

─ Il y avait un village, ici, avant, expliqua Antoine aux filles. C'était à quelle époque, déjà, Alessio ?

─ 1100, je crois. Moyen-Age. Et le fort qu'on va voir date de ce temps-là. Il avait féodalisé toutes les villes du coin.

─ Fascinant, ahana Magali. C'est encore loin... ?

Dani semblait encore fraîche, mais Magali était toute rouge, le souffle haché. Je la pris en pitié.

─ Hé, Mag. On peut faire une pause, si tu veux.

─ Avec plaisir.

On s'assit à l'ombre d'un grand orme pour boire un peu. J'évitais le regard de Dani. Heureusement, elle ne cherchait plus à me parler. Je n'avais pas envie de l'envoyer balader. Je me sentais las et fatigué.

Rien d'étonnant après ma nuit pourrie à cogiter.

On repartit. Plus on avançait, plus les ruines se changeaient en édifices plus facilement reconnaissables. Les filles prenaient des photos du paysage tout en échangeant leurs impressions. On croisa quelques promeneurs en short et chaussures de rando, puis, tout à coup, apparaissant derrière une colline, le fort se révéla à notre vue.

─ Wah ! firent les filles d'une même voix.

Il en imposait encore, avec ses énormes blocs de pierre ocre et ses tours qui se détachaient contre le bleu limpide du ciel. J'aimais bien cet endroit. La vue était sympa de là-haut, on voyait toute la vallée, l'Etang, et Castel-sur-mer tout en bas.

En prenant notre temps, nous visitâmes le bâtiment. Magali prit Dani en photo, assise dos au vide sur un rempart. Je m'éloignai un peu avec Antoine, pour faire des zones plus difficiles d'accès nécessitant un peu d'escalade. Ca me fit du bien de forcer un peu sur mes muscles, comme je le pensais.

Les filles nous attendaient, sagement assises sur un muret écroulé. En revenant, Magali me lança :

─ C'était super, merci. J'ai vu qu'il y avait un bus qui redescendait. On le prend ?