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Alessio


─ Psst, Ferrère ! soufflai-je à Jules dans le casque.

D'une roulade, il me rejoignit derrière le mur écroulé qui me servait d'abri.

─ Fais gaffe, Alessio, me jeta Yoann, le ton nerveux. Fais pas tout capoter.

─ T'inquiète. J'suis pas resté à couvert pour rien.

Je bondis, et, d'une salve bien placée, mitraillai un joueur de l'équipe adverse, qui s'écroula au bord du chemin, combi fumante. Sans même se concerter, Jules et moi nous tapâmes dans la main.

─ Tu l'as pas loupé ! approuva Paul depuis l'autre côté de la table.

─ T'as vu ça, me réjouis-je. Allez, aux suivants.

Deux mains douces se posèrent sur mes yeux, me bloquant la vue de l'écran.

─ Arrête, Daniiii, protestai-je, et je retirai ses mains.

─ Heu... ce n'est pas Dani.

Mon cœur s'arrêta. Je pivotai brusquement sur ma chaise, oubliant le jeu, pour croiser le beau regard bleu myosotis de Chloé. Le souffle me manqua ; je me levai d'un bond.

─ Clochette ? bafouillai-je, déglutissant.

─ Surprise ! lança Chloé avec un sourire forcé.

Ce n'est pas la joie qui m'envahit d'abord, mais un profond malaise. Tout me revint à la figure avec force – les taquineries, les nuits Netflix, les rires, les baisers, tout.

Tous ces moments où j'avais vibré.

Comme si le regard de Chloé était un miroir sur lequel se reflétait mon âme tourmentée.

Un passage qui ouvrait vers le versant du soleil.

Cet endroit merveilleux, caché et interdit, où vivaient prospères et décadents tout mon désir et ma culpabilité.

Je me sentis pâlir.

─ On dirait que tu as vu un fantôme, me taquina Chloé.

─ ...

─ Ben... tu m'embrasses pas, chéri ? s'étonna-t-elle.

─ Si, bien sûr, pardon.

Je la renversai par dessus mon bras et l'embrassai langoureusement tandis qu'elle riait aux éclats.

─ Doucement quand même ! pouffa-t-elle entre deux baisers, et je souris.

─ Tant d'amour, c'est trop mignon, commenta Jules, attendri.

Son rouge à lèvres avait ce goût sucré de cerise. Ca m'était familier. Comme un souvenir agréable. Ca m'était familier, mais la première pensée qui me traversa l'esprit fut « ce n'est pas le même goût que celui de Dani ».

Mon. Dieu.

Je reposai Chloé. Elle prit tendrement mon visage entre ses mains et me vola un dernier petit baiser.

─ Tu m'as manqué, mon amour.

─ Tu m'as manqué aussi. Je suis tellement content de te voir, ma Clochette. Qu'est-ce que tu fais là ?

Elle haussa les épaules et me décocha un petit sourire.

─ Disons que j'en avais assez d'être loin de toi... tu me manquais trop.

─ T'as bien fait de venir, Clochette, ça fait plaisir de te voir ! lança Paul, enthousiaste.

Tandis que Chloé saluait tout le monde avec de grands sourires - elle était depuis longtemps intégrée à la bande -, je cherchai Dani des yeux et ne la vis nulle part ; elle avait dû retourner dans la cuisine.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant