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Alessio


Eh bien, moi non plus, je n'avais pas envie qu'elle retourne dormir avec lui... et je m'en voulais, pour changer.

─ Je peux rester avec toi cette nuit ? demanda Dani dans un souffle.

Elle m'observait avec ses grands yeux chocolat mouillés de larmes, l'air si désorienté et vulnérable, d'une beauté acérée et fracassante. Mon esprit en effervescence la dessinait à toute vitesse, à larges traits. Portrait : soleil éteint

Bon Dieu comment me sortir de là... ? Me dépêtrer de ce bourbier ?

─ C'est pas raisonnable, Dani, bredouillai-je.

J'étais disloqué entre l'envie dévastatrice de la consoler et celle, étouffante, de garder des distances saines avec elle. SAINES. Et dormir dans le même lit ne semblait pas très sain, si vous voulez mon avis.

─ S'il te plaît, je... je veux juste être près de toi.

Mais moi aussi, moi aussi, moi aussi.

Je sentis le reste de ma résistance s'effondrer comme un château de cartes. C'était épuisant, j'étais épuisé, à la ramasse.

─ Bon. D'accord, murmurai-je, me traitant de tous les noms.

Je soulevai mes draps pour qu'elle se glisse dessous. Elle se blottit dans mes bras, la tête sous mon menton. Je tendis la main et éteignis la lumière. J'embrassai son front, ses cheveux. Je caressai son dos. Sa respiration s'éleva bientôt dans la pièce, régulière. Elle s'était déjà endormie.

J'éteignis la lampe de chevet.

Pour ma part, je savais que j'allais mettre beaucoup plus de temps à trouver le sommeil. J'étais bouleversé de sentir son corps contre le mien, son odeur si proche. J'observai son visage endormi comme un drogué en transe, et effleurai sa joue toute douce du bout des doigts.

Dani, Dani, Dani.

Le soleil de ma nuit.


***

Plusieurs fois cette nuit-là, je me réveillai, tourmenté. Chaque fois, Dani était tout pelotonnée contre moi, et était-ce dû aux brumes du sommeil ? Mais dès que mon regard tombait sur son corps endormi, je me sentais subitement bien, apaisé.

Je l'avais laissée rester. Ce n'était pas bien, mais c'était aussi la chose à faire.

Le lendemain, je fus réveillé par des paroles âpres prononcées du couloir. La lumière du jour se déversait librement dans la pièce, grise et lourde ; la veille, avec tout ça, j'avais oublié de descendre les stores.

Dani n'était plus dans le lit près de moi.

Je sautai du lit et ouvris la porte de la chambre. Debout l'un face à l'autre, en pyjama, Dani et Livai se disputaient, ne retenant pas leurs voix. Ils se parlaient en portugais et je ne comprenais rien, mais Livai était livide, les yeux exorbités ; Dani, toute pâle, le fixait d'un air dédaigneux, menton levé. Je savais qu'elle était plus bouleversée que ce qu'il n'y paraissait parce que ses mains tremblaient.

Livai lui dit quelque chose ; Dani secoua vigoureusement la tête, et son chignon lâche se défit encore plus. Après quelques mots, il enchaîna en anglais, ce qui me permit de comprendre :

─ Je ne sais pas qui t'a dit ça, mais c'est faux, bébé.

─ C'est Alessio, dit Dani en français, et elle me désigna du menton.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant