Alessio
Enfin, on était à Castel !
La route avait été longue jusque-là, et je n'étais pas mécontent de revoir la jolie ville de bord de mer.
Je profitai du feu rouge suivant pour m'arrêter juste à côté de la Fiat d'Antoine.
─ On fait une pause ? me proposa Antoine à travers sa vitre abaissée. Apparemment, Yoann est au bord du coma.
─ On peut aller au Sirocco, suggérai-je. Comme l'an dernier. Ca te dit, Yoann ?
─ Je vous suis, je m'en fous, répliqua-t-il, dédaigneux. Tant que y'a de la bière fraîche !
Antoine et moi échangeâmes un regard entendu.
Yoann était affalé sur la banquette arrière et n'avait même pas levé les yeux de son iPhone pour me répondre. Il devenait vraiment chiant quand il était fatigué, et c'était même pas lui qui conduisait depuis Rome, merci du peu.
─ Je me souviens plus trop de la route, dit Antoine en fronçant les sourcils derrière ses lunettes.
─ Le Sirocco est au port. Suis-moi, on n'est pas loin.
J'abaissai la visière de mon casque et démarrai alors que le feu passait au vert.
**
Cinq minutes plus tard, Antoine se garait non loin du restaurant et je faisais de même avec la moto. On avait bien galéré pour trouver des places. Le quartier était bondé à cette heure, très animé, tout le monde, entre travailleurs et touristes, voulant déjeuner avant soit de reprendre le boulot, soit d'aller piquer une tête à la plage.
─ Je vais me gaver d'ailes de poulet, je vous préviens, dit Yoann en poussant la porte du restaurant.
─ Epargne-nous les détails, répliqua Antoine. Tu me coupes l'appétit.
─ Petite nature. C'est pas comme ça que tu vas plaire aux filles, Toinou. Elles veulent des hommes, des vrais.
J'aimais bien le Sirocco. On était venu plusieurs fois y manger l'an dernier et l'année précédente avec la bande.
Ce midi-là, il y avait seulement deux banquettes de libres ; la serveuse, une grande blonde au sourire commercial, nous proposa gentiment le box du fond. Yoann fonça dessus, suivi par Antoine. Je ralentis le pas, occupé à taper un SMS pour Jules :
« On arrive bientôt, on part après le déjeuner ».
En levant les yeux, je balayai machinalement la salle du regard, et, étonné, repérai presque tout de suite Soraya assise au bar. Elle était occupée à rire avec une copine. Laquelle me tournait le dos. Une nana menue aux longs cheveux bruns bouclés.
Je m'immobilisai net, le téléphone à la main.
La petite robe noire qu'elle portait se nouait sur la nuque et révélait ses jambes croisées, hâlées, fines, desquelles j'eus bien du mal à détacher mon attention. Du bout de son pied nu, la fille balançait une sandale à talon en cuir sans lanière. Je remontai lentement sur sa jolie chute de reins, sur la peau nue, délicieusement dorée de son dos.
─ Bon, tu viens ?! me cria Yoann depuis le fond du restaurant.
Il s'impatientait, mais je ne répondis même pas. J'étais tétanisé, incapable de bouger. J'émergeai brutalement au moment où la fille tourna la tête vers Soraya pour lui dire quelque chose, lorsque je vis enfin son visage, qu'elle avait nonchalamment appuyé contre sa paume.
Daniela.
Si injustement si belle que sa beauté me gifle à toute volée. J'en vois 36 chandelles, étourdi.
─ Mais magne-toi bordel ! râla encore Yoann.
Interpellée, Dani jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, et c'est là qu'elle me vit. Nos regards se fracassèrent l'un à l'autre, mon estomac fit une violente embardée. Elle écarquilla les yeux, surprise, la bouche entrouverte ; puis la joie illumina son visage.
La joie.
Elle était contente de me voir.
Eh bien, pas moi.
Moi, je voulais fuir et me fuir, m'enfuir loin d'elle et de sa lumière, là où j'étais en sûreté, dans le versant du soleil.
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Le Versant du Soleil (HB tome 3)
ChickLit" Je suis une contradiction. J'oscille entre deux mondes, deux possibles, deux parts de futur. Mon amour pour Chloé est comme la lune Mon amour pour Dani est comme le soleil Le soleil ardent poursuit la lune délicate, la Lune délicate fuit le soleil...