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Alessio


Vautré à côté de moi dans son short de bain bleu, Yoann poussa un grognement.

─ Fait chier, marmonna-t-il.

─ Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je sans lever les yeux de mon carnet à croquis.

─ Cet enfoiré de Renaud, il me demande si j'ai bouclé le dossier Monroe avant de partir.

─ Ben tu l'as fait ou pas ?

─ Heu... j'ai pas fini.

─ Du coup il va demander à Pascal.

─ Lequel Pascal va m'appeler parce qu'il sait pas faire. Fait chier.

Je lui jetai un coup d'œil. Il avait l'air torturé.

─ Appelle maintenant, lui suggérai-je, comme ça, tu seras débarrassé.

─ T'as raison, vaut mieux, avant qu'il décide de me virer, cet enfoiré ! Il me déteste. Je suis à ça de sauter.

─ Mais non.

─ Si.

Yoann était têtu, borné, toujours convaincu d'avoir raison. Je lui avais proposé de venir à la Terrasse pour se détendre un peu. Les dernières semaines au boulot avaient été particulièrement stressantes. Beaucoup de travail, et si Renaud, notre +1, était sympa, il était aussi du genre exigeant et impatient.

Il sortit son téléphone.

─ Ouais, Pascal ? Ca va ? Ecoute, Renaud va sûrement te parler du dossier Monroe, faut que tu regardes bien, j'ai laissé des trucs en plan...

Je continuai de dessiner le boulevard bordé de palmiers. Une brise chaude les agitait, et quelques mouettes en profitaient pour se laisser planer vers le trottoir.

J'avais bien avancé, lorsqu'un éclat de rire attira mon attention vers le match de volley. Le groupe jouait depuis une bonne heure. Soraya venait de servir et Dani de lui renvoyer la balle... en pleine tête. Soraya se mit à vociférer, et Dani à rire. Sacrée Soraya. Toujours le sang chaud.

─ Popopow..., fit Yoann en raccrochant. Elle est mignonne, Dani, hum ?

─ ....

─ Nan mais regarde-moi ça ! roucoula-t-il, le ton de miel, et, d'autorité, il tourna mon visage vers le filet de volleyball. Bouche de suceuse professionnelle. Ventre sexy. Superbes jambes. Ca me déplairait pas de les avoir autour de mes épaules pendant que je lui brouterais le minou...

Quel con. Mon sang ne fit qu'un tour, je crus que j'allais lui arracher la mâchoire à mains nues. Au lieu de ça, je le repoussai sans douceur.

─ Tu penses que c'est comment, sous son petit tanga ? Brésilien ? Ticket de métro ? Intégraaaaal ?

Il me donnait mal à la tête. Une migraine carabinée.

─ Yoann..., grognai-je. Ferme-la, putain.

─ Elle a un gros défaut, Dani, quand même, reprit-il, ignorant mon commentaire.

─ Hein ?

─ Des seins riquiqui.

Je le fusillai du regard.

─ Qu'est-ce que tu racontes, imbécile ?!

─ Y'a pas grand monde au balcon, répéta Yoann comme si j'étais un demeuré et que je n'avais pas compris. Quel dommage, sur un canon pareil.

Nom de Dieu.

Je ne m'étais pas battu depuis environ deux ans. Ca ne m'avait pas tellement manqué. Et voilà que je sentais l'adrénaline qui circulait dans mes veines, devant mon propre pote, tout ça parce qu'il me parlait en des mots choisis de Dani.

─ Tu sais quoi ? fis-je entre mes dents, m'efforçant de rester calme. Ta gueule. Si je t'entends dire un truc de plus sur son corps...

─ Mais je lui reproche pas grand chose, à son corps, je m'en délecterais bien, de son corps, moi ! J'ai pas baisé depuis des semaines, ça me saoule.

Moi non plus. Même avant de quitter Rome, c'était pas super avec Chloé, dernièrement... comme parfois, quoi. Une période « basse » comme je les appelais, et non pas une période de « baise ». Est-ce que j'étais mort de faim pour autant... ?

Bon, peut-être un peu, mais personne n'avait besoin de le savoir.

─ Tu peux pas respecter les filles, de temps en temps ? lui jetai-je en posant mon carnet sur mon sac à dos. C'est lourd, à force.

Yoann me considéra, les sourcils froncés, puis il émit un ricanement.

─ Les filles, ou cette fille ? Hé, Clément ! Je peux savoir ce que t'as avec cette Dani... ?

─ Quoi ? fis-je en plissant les yeux d'un air mauvais.

─ Depuis qu'on est arrivé dans ce restaurant t'es super énervé dès que je la mate ou que je lui adresse la parole... tu la veux pour toi, ou quoi ?

─ Espèce de sombre abruti, persiflai-je. C'est mon ex, t'as pas compris ça encore ?

Yoann ouvrit de grands yeux derrière ses lunettes de soleil.

─ OH. JE VOIS. Tout s'explique... ah ouais, merde. Chloé est mignonne, mais Dani... t'as bon goût, toi, hm ?

─ Ta gueule.

Il y eut un silence, durant lequel nous regardâmes le match.

─ Ca te dérange pas, si je tente un truc avec elle ? Ton sort est scellé, après tout. Plus que quoi, deux mois avant le mariage, c'est ça ?

Je me retins de lui envoyer mon poing dans la tronche. A la place, je demandai d'un ton ennuyé :

─ Tu vas tenter un truc avec elle alors que tu ne restes qu'une semaine... ?

─ Ben ouais, Clément. Je me répète, elle est à tomber par terre.

─ Mais t'es vraiment con, ma parole ?

─ Hé, t'énerves pas ! C'est uniquement si c'est OK avec toi. Je respecte le bro code.

─ Elle a un mec, rétorquai-je sans répondre à sa question. Tu devrais lui demander à LUI s'il est OK avec ça.

Yoann leva les yeux au ciel.

─ Je m'en cogne de son mec. Les absents ont toujours tort. Tout ce que je vois, pour l'instant, c'est qu'elle est seule... alors ? C'est bon ?

─ Fais ce que tu veux, marmonnai-je, le cœur dans la gorge.

J'avais envie de vomir. Tant pis. J'en avais rien à foutre de la vie amoureuse de Dani. Ca ne me concernait plus.

─ Merci, dit Yoann, comme si je lui avais fait un gros cadeau. Justement, elle vient vers nous, la sirène... regarde-moi ces jambes...

─ Par contre, ta gueule, merci.

Dani nous rejoignit en trottinant. Elle se jeta sur sa serviette, enfonça ses pieds nus dans le sable avec un soupir de bien-être. Comme elle s'était baignée avant de jouer au volley avec les autres, ses cheveux noirs bouclaient follement, encore humides.

─ Salut ! lança-t-elle, toute souriante.

─ Salut.

─ Il vous reste de l'écran solaire, les mecs ?

Yoann sauta sur l'occasion.

─ Ouais, bien sûr, ma belle, attends...

Il sortit un tube de son sac, l'air gourmand. Il ouvrit la bouche et je sus exactement ce qu'il allait proposer à Dani : « Tu veux que je t'en mette ? »

Mais Dani, qui me regardait, parla la première.

─ Ca t'embête de m'en mettre, Alessio ? me demanda-t-elle en ramenant ses cheveux sur une épaule.

MERCI, MON DIEU.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant