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Alessio


Le peu de dîner que j'avais réussi à ingurgiter tournoyait désagréablement dans mon estomac. Je me sentais fiévreux, malade.

Je me traînai jusqu'à la salle de bains et vomis.

Je m'aspergeai le visage d'eau froide, avant de me laver les dents mécaniquement. En rinçant ma brosse à dents, je finis par regarder mon reflet dans le miroir suspendu au-dessus du lavabo. Il semblait me narguer. J'avais une sale tronche, c'est peu de le dire. Une pellicule de sueur brillait sur mon front.

Je retournai dans ma chambre, où je m'affalai derrière l'ordinateur. J'attrapai mon casque et mis la musique à fond, dans l'espoir de ne plus entendre les éclats de rire de Dani et de ce type de l'autre côté du mur. Juste à penser à ce qu'ils étaient en train de faire, j'avais des picotements et des frissons de pur dégoût, partout, l'envie de dégobiller de nouveau. Je n'arrivais pas à me concentrer sur mon dessin.

A cause de ce mec, juste comme ça, je me retrouvais dans les affres de l'Enfer.

Au bout d'un moment, je renonçai. J'attrapai le MacBook et descendis les escaliers à toute allure. La maison était calme à cette heure, tout le monde s'étant rendu dans sa chambre pour dormir. Une lampe solitaire brillait dans le séjour abandonné.

Je sortis dans le jardin obscur. L'air tranquille de la nuit ne put rien pour m'apaiser, au contraire, je me sentis encore plus mal, bizarrement. Trop de vide, trop d'espace. Je levai les yeux sur la chambre de Dani. Toutes les lumières étaient éteintes.

J'avais besoin de parler à quelqu'un. Tout de suite. De façon abjecte, j'avais envie d'entendre la voix de Chloé, qu'elle me rassure, qu'elle me console, comme elle l'avait toujours fait.

« Tu es minable » pensai-je, écœuré.

Oui, j'étais minable.

Je m'assis sur une chaise longue, au bord de la piscine, bus la moitié d'une bière d'une traite, puis appelai Tash sur Skype, un peu comme on lance une bouteille à la mer. Il était 6 heures du matin à Tokyo, il ne décrocherait sans doute pas, mais ça me donnait l'illusion de faire quelque chose pour me sortir de cette... de ce désastre.

Je savais que j'étais amoureux d'elle.

Un peu trop probablement.

Beaucoup trop certainement.

Je savais parce que j'avais mal au fond de moi lorsque je la regardais, et davantage encore lorsque je ne la regardais pas.

J'étais malade et comme toute personne malade, je souffrais.

Je ne supportais pas de voir Dani avec quelqu'un d'autre.

Je ne l'avais jamais supporté, je ne le supporterais jamais.

Le spectacle de lui avec elle, toute la soirée, bon Dieu, j'étais mort à l'intérieur. Il n'arrêtait pas de la toucher ; caressait en toute impunité ses lourdes boucles brunes, sa nuque délicate, son joli visage, embrassait son épaule ronde et douce, et tout ça A DEUX METRES DE MOI.

Tout à coup je suis claustrophobe, damné et condamné, comme si j'étouffe juste en étant moi, prisonnier de cet amour depuis toujours, depuis toujours intransigeant depuis toujours qui me tue et pourtant me fait vivre.

Celui qui n'est ni mort ni vivant, c'est le zombie.

Voilà ce que j'étais devenu. Un zombie sans âme vivant à l'ombre du soleil, terré dans son versant. Terrifié par la lumière.

Le Versant du Soleil (HB tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant