Chapitre 10 pdv Lucie

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Lucie entendit George monter les escaliers du terrier. Comme Aisline, elle s'appliqua à fermer les yeux et fit semblant de dormir. Malgré tout, elle voulait laisser à George le choix de la confrontation. S'il n'était pas près, il aurait la possibilité de faire marche arrière, simplement.

Elle le sentit marquer une pause en ouvrant la porte remarquant immédiatement leur présence sur le second lit. Il referma la porte derrière lui tout en restant dans la pièce. Il ne tentait pas de fuir. En bas, tout le monde s'étaient tue attendant de voir ce qui allait se passer.

— Tu ne dors pas vraiment, hein ? questionna George d'un seul coup.

Sa voix était basse, comme un murmure et Lucie lui répondit sur le même ton.

— Non, pas vraiment.

Alors elle ouvrit les yeux et se retrouva face au visage de George. Il avait tellement changé. Méconnaissable. Personne ne pouvait se douter qu'il avait été autrefois un homme rempli de malice et de vie. Le bonheur avait déserté son visage sans n'en laisser aucune trace. Lucie se leva aussitôt pour le prendre dans ses bras. Il resta aussi immobile qu'une statue avant de lui rendre doucement son étreinte.

Elle aurait aimé lui dire des mots réconfortants mais elle savait à quel point ses paroles seraient vide de sens.

— Maman m'a dit qu'elle était toute petite mais je ne m'attendais pas à ça. Teddy était plus grand...

Son regard était fixé sur Aisline, encore assoupis sur le lit. Il n'avait pas l'air de pouvoir s'approcher tout en étant terriblement intrigué par ce petit être. Lucie prit sa main pour le guider jusqu'au lit.

— Il ne faut pas la réveiller, prévint-elle, elle vient juste de s'endormir et elle n'a pas fermé l'œil de la nuit.

George acquiesça sans faire le moindre bruit, pour la première fois de sa vie, il était prêt à écouter les consignes.

— Personne n'a voulu me dire comment tu l'avais appelé...

— Je sais. C'est moi qui leur ai demandé. J'ai pensé que ta curiosité prendrait le dessus et que tu finirais par venir le découvrir de toi-même. C'était l'une de mes nombreuses tactiques...

— Avec les lettres, termina-t-il dans un sourire si léger que Lucie crut le manquer.

— Tu ne les lisais pas alors je me suis amusée, je t'ai écrit pour te dire un peu de tout et de n'importe quoi.

— Je les lirais, promit-il sans préciser quand.

Un silence s'installa de nouveau entre eux.

— Aisline, l'informa-t-elle dans un souffle. Il avait bien dit que ce serait une fille et qu'elle s'appellerait comme ça.

« Il », ça y est le nom était dit, elle l'avait évoqué la première. Elle était tellement occupée à regarder sa fille qu'elle ne vit pas tout de suite que George pleurait. Elle le remarqua seulement quand il commença à renifler.

— George...

— Je suis désolé... commença-t-il les yeux baignant de larmes. J'étais incapable de venir te voir... Je... Je ne pouvais pas.

— C'est pas grave, George, je t'assure. Je ne t'en voudrais jamais pour ça, j'ai fait la même chose, je comprends...

— Non, coupa-t-il en tentant de refouler ses larmes. Tu ne comprends pas, c'est... Argh ! Tu devrais entrer dans ma tête... juste... pour que tu comprennes...

Lucie hésita un instant avant de refuser.

— J'ai déjà du mal avec mes propres pensées, George, lança-t-elle douloureusement, je ne supporterai pas les tiennes. Mais explique-moi, explique-moi avec tes mots.

Il fit une grimace et prit une grande inspiration.

— Quand tu disais vous, tu disais tu, commença-t-il à expliquer en refusant de la regarder en face. Quand tu disais tu, tu ne parlais de personne d'autre que lui. Il était la personne la plus importante de ta vie et il était la plus importante de la mienne. J'ai... j'ai du mal à croire que maintenant, à chaque fois que tu diras tu, ce ne sera que pour me parler à moi et ça voudra dire qu'il n'est vraiment plus là et ça, ça c'est quelque chose que je ne peux pas envisager. On savait... on savait que quelqu'un allait mourir, jamais je n'ai pensé que... Je ne l'ai pas cru, j'ai beau t'avoir entendu crier... j'ai espéré. Je l'ai vu allongé au sol et j'ai cru que ce ne serait rien que tu ne puisses guérir. Puis j'ai compris... J'ai compris qu'il n'en reviendrait pas...j'ai compris que c'était lui ta vision.

— Je ne pouvais pas vous le dire, tenta-t-elle d'expliquer en larme comme lui. Ça n'aurait fait qu'empirer les choses...

— Je sais, coupa-t-il. Mais ça me tue quand même de savoir que tu étais au courant. Non, ne pleure pas, intervint-il en comprenant qu'il avait mal choisi ses mots. Ça me tue parce que tu savais que ce serait la dernière fois que tu le verrais et que tu l'as laissé partir... ça me tue parce qu'à chaque fois que vous parliez de votre enfant à naître tu devais garder ton calme pour ne pas tout lui dire... ça me tue parce que tu as dû vivre vos derniers mois ensemble comme un enfer, alors que moi je vivais dans l'espoir qu'on allait tous s'en sortir. Ça me tue de ne pas avoir su voir ta douleur, de ne pas avoir pu t'aider.

— Tu n'aurais rien pu faire, George, tout comme moi. C'était... c'était écrit, expliqua-t-elle avec difficulté.

Le destin. Fred devait mourir. Il n'y aurait eu aucun moyen de le sauver, ni lui, ni les autres.

— Il a fini par le comprendre, avoua-t-elle, au dernier moment il a compris qu'il en faisait partie...

— Il s'est battu pour vous deux, fit George non sans fierté.

Puis la réalité le frappa de plein fouet une nouvelle fois.

— Il n'est plus là, enchaina-t-il avec peine. Il n'est plus là.

Lucie failli lui dire que si, qu'il était toujours là, que jamais il ne les abandonnerait. Mais si elle le faisait, elle devrait aussi expliquer la pierre de résurrection et, comme elle, il tenterait de voir son frère. Mais les vivants ne devaient pas côtoyer les morts.

— Il nous a laissé un petit bout de lui, finit-elle par affirmer en se souvenant des dernières paroles de Fred. Il sera toujours avec nous, dans ses sourires et dans ses rires...




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J'ai oublié de poster hier !! oups ....😅

Le Pouvoir Solitaire - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant